From Le noir est une couleur

Written in French by Grisélidis Réal

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Nous prenons l’autobus jusqu’au terminus, aux confins de la ville, dans un quartier d’usines.

Après un pont, il faut encore marcher longtemps dans un étroit sentier de terre, au milieu des prés.

D’un no man’s land brumeux surgissent les pavillons comme des champignons lépreux, entourés de grillages. Pour atteindre le nôtre, on traverse un labyrinthe de jardinets ayant chacun sa cabane bâtarde, son chien aboyeur, ses petits vieux en salopette et en tablier, occupés à désherber ou à bêcher. Ils se redressent pour nous considérer avec curiosité.

Le jeune homme les salue, tout gène. Il doit drôlement regretter de m’avoir parlé du pavillon ! Il a l’air de patronner une famille louche, miteuse, presque en loques. On détonne dans ces paysages bien ratissés de laitues et de mais soigneusement alignés.

Il ouvre le portail du jardin, de « notre » jardin, puis la porte d’une cabane méticuleusement cirée. Une vraie maison, rien qu’à nous !

Deux petites piaules bien propres, au parquet lave, aux lits recouverts d’une étole à carreaux. Pas d’eau, ni d’électricité. Mais c’est chez nous, enfin !

Le soir, je vais chercher de l’eau à un robinet très loin, tout au bord de la route, et pendant que j’appuie de toutes mes forces sur la poignée et que l’eau glougloute dans les seaux, je vois passer sur le ciel orangé de magiques voitures américaines bourrées de nègres. Par les fenêtres, leurs mains nous font signe dans le crépuscule comme des corbeaux nous appelant au voyage, au-delà des peupliers poussiéreux. Vers l’autre côté de la terre, en Amérique peut-être. Les gosses et moi, on agite nos mouchoirs.

Mais ils passent et disparaissent, le ciel noircit, il faut rentrer au bercail, alourdie de deux seaux à l’anse coupante qui m’écorchent les mains, dont l’eau se déverse et m’inonde à chaque pas.

Une maigre soupe d’avoine nous attend, cuisinée sur le réchaud entre les deux chambres, éclairée par une bougie.

Les gosses sont couchés. Je fais ma toilette à la lueur mouvante de la chandelle, un miroir casse à la main.

Longuement, je repasse du noir sur mes cils et je cerne mes yeux d’un trait sombre, j’argente mes paupières. Oui, on mine sournoisement ma jeunesse, ma sante, mais je veux garder mon éclat. Que mon angoisse soit étincelante !

Je sors dans la nuit comme on se jette à l’eau, les dents serrées, dans l’herbe jusqu’aux genoux. C’est l’été, les insectes grignotent l’ombre de leur stridulation intense.

Devant chaque cabane, les chiens aboient sur mon passage, mes talons s’enfoncent dans la terre. Il faut faire vite, disparaître avant que les gens se réveillent.

Quand j’aborde la route après un long cheminement dans les prairies gorgées de nuit, je reprends mon soufflé, je me durcis de toutes mes forces.

Je marche droit devant moi, frôlée par les phares des voitures, ces prunelles aux aguets. Chaque fois que l’une d’elles s’arrête, la portière s’entrouvre, et une main me fait signe. Mon coeur s’arrête de battre.

Qui est là, qui m’attend à l’intérieur de cette voiture pleine de nuit ? Je suis clouée sur place. Défense de s’enfuir !

J’approche pas à pas, retenue par une corde invisible. Penchée, je regarde : cette seconde, c’est ma vie que je joue !

Cet homme, dont je devine dans la pénombre la silhouette maigre ou massive, est-ce un flic ? Un assassin ? Il faut que je voie ses yeux, une autre seconde aiguë et douloureuse, il faut que je me decide.

Vite, la voiture n’attend pas, d’autres suivent, on m’observe, on m’appelle. Je n’ai plus qu’à sauter, à me laisser emporter, à peine la portière refermée.

Combien de fois aussi suis-je tombée dans des pièges ! C’est la loterie de la nuit. Chaque aube est une délivrance, une résurrection ; on a échappé au pire.

Un soir de brouillard, je monte dans une camionnette dissimulée dans une ruelle. On part aux confins de la ville, pour stopper sur une place bordée de hangars et de terrains vagues. Pas un bruit. Une lueur tremblote au bord d’une lampe, éclairant l’herbe pelée.

Je déroule mon petit cinema habituel, les gosses, le manque d’argent, l’impossibilité de travailler sans permis.

On s’attendrit. L’homme qui est assis au volant, lui aussi, a des enfants, il sait ce que c’est, ca coûte cher à nourrir.

— Je vous donnerai un beau cadeau si vous êtes gentille.

Il écarte un rideau à l’arrière. Un amas de vieux chiffons apparaît. Deux bras m’encerclent, nous tanguons dans les detritus, une odeur de poubelle, de moisi s’en dégage.

Submergée de guenilles puantes, je n’arrive pas à retrouver mes habits qu’il est déjà sur son siège, rajusté, reboutonné, et remet la camionnette en marche. Je hurle :

— Mon cadeau !

— Tout de suite !

Nous virons de bord et brusquement il s’arrête devant une vitrine éclairée.

— Tenez, dit-il, me tendant la main, voilà de l’argent. Ayez la gentillesse de me prendre un paquet de cigarettes, là devant vous, au distributeur automatique.

À peine suis-je descendue que la portière claque, la camionnette démarre et disparaît fantomatique dans le brouillard. Je regarde dans ma main : une pièce de cinquante pfennigs, c’est tout.

Il pleut de fines gouttes de brouillard, la nuit est glacée. Pas un soufflé, toutes les maisons dorment. Je marche sans savoir où je vais, j’enfile une rue au hasard. Il n’y a plus d’heure, le brouillard a tout rongé.

Je ne sais pas par quel miracle une voiture surgie tout à coup m’a ramassée. Elle roule vers la ville, je retrouve le pont, les baraques et les sentiers qui mènent vers mes enfants.

Bourreaux des nuits de Nuremberg, vous m avez sacrée chatte sauvage et mère de mes petits. Je vous rends grâce, salauds, on a toujours eu à manger.

Nuit après nuit, j’ai raclé des miettes à vos dentiers pourris !

Nuit après nuit je me suis durcie, redressée, remplumée, les flics ne nous ont pas trouvés !

Le jour, on vit, on marche au soleil. Chaque matin, je vais à l’épicerie où les billets arrachés aux trémolos de vos tripes se changent en nourritures miraculeuses !

Oubliées, vos chambres capitonnées comme des cercueils, les contorsions de vos flasques pelures, la dureté des sièges d’auto, la gifle des vents glacés quand vous me jetez dehors à quatre heures du matin !

Le jour est à nous ! On rit, on bouffe, on se promène, on s’achète même des jouets. On vit comme des vrais Tziganes !

Au coeur de la vieille ville de Nuremberg, la nuit, nous sommes nombreuses à tourner dans les rues comme des libellules frémissantes. Nos talons sonnent sur les pavés. Englués dans un silence d’étoffes, des cristaux, des bijoux, des fleurs féeriques étincellent dans de hautes vitrines allumées.

Published January 12, 2020
Excerpted from Grisélidis Réal, Le noir est une couleur, Gallimard, Paris 2007
© Gallimard 2007

From Il nero è un colore

Written in French by Grisélidis Réal


Translated into Italian by Yari Moro

Prendiamo l’autobus fino al capolinea, ai margini della città, in un quartiere di fabbriche.

Dopo un ponte bisogna ancora camminare a lungo su uno stretto sentiero in mezzo ai prati.

In una nebbiosa terra di nessuno i capanni, recintati, sorgono come funghi marci. Per raggiungere il nostro attraversiamo un labirinto di giardinetti ognuno con la sua casetta orfana, il suo cane che abbaia, i suoi vecchietti in salopette e grembiule impegnati a strappare erbacce o vangare. Si raddrizzano per guardarci con curiosità.

Il giovane li saluta, imbarazzato. Quanto deve rimpiangere di avermi parlato della casetta! Adesso sembra aiutare una famiglia losca, miserevole, a brandelli. In questo paesaggio ben rastrellato, con insalate e granturco allineati con cura, noi sfiguriamo.

Apre il cancello del giardino, del “nostro” giardino, poi la porta di un capanno tirato a lucido meticolosamente. Una vera casa, tutta per noi!

Due linde stanzette, con il parquet pulito, i letti ricoperti da una stola a quadretti. Niente acqua né elettricità. Ma è casa nostra, finalmente!

Di sera vado a prendere l’acqua a un rubinetto molto lontano, sul ciglio della strada, e mentre premo con tutte le mie forze sulla leva e l’acqua gorgoglia nei secchi, vedo passare nel cielo arancio magici veicoli americani pieni di neri. Attraverso i finestrini le loro mani ci fanno dei cenni nel crepuscolo, come dei corvi che invitino al viaggio, al di là dei pioppi polverosi. Verso l’altro lato della terra, in America forse. Io e i bambini sventoliamo i nostri fazzoletti.

Ma passano e scompaiono, il cielo imbrunisce, devo tornare all’ovile, appesantita da due secchi dal manico tagliente che mi scorticano le mani, con l’acqua che si rovescia e mi bagna a ogni passo.

Ci aspetta una misera zuppa d’avena, cucinata sul fornello fra le due stanze, alla luce di una candela.

I bambini sono a letto. Mi lavo al lume oscillante della candela con uno specchio rotto in mano.

Mi ripasso a lungo le ciglia di nero e contorno gli occhi con un tratto scuro, inargento le palpebre. Sì, cercano di insidiare subdolamente la mia giovinezza, la mia salute, ma io voglio conservare il mio smalto. Che la mia angoscia sia sfavillante!

Esco nella notte come quando ci si butta in acqua, a denti stretti, nell’erba fino alle ginocchia. È estate, gli insetti rodono l’ombra con il loro intenso stridore.

Al mio passaggio i cani abbaiano davanti a ogni capanno, i miei tacchi sprofondano nella terra. Bisogna fare presto, scomparire prima che la gente si svegli.

Quando sbuco sulla strada dopo un lungo cammino nelle praterie impregnate di notte riprendo fiato, m’indurisco con tutte le mie forze.

Cammino dritto davanti a me, sfiorata dai fari delle macchine, tante pupille in agguato. Tutte le volte che una si ferma, la portiera si apre appena e una mano mi fa segno. Il mio cuore smette di battere.

Chi va là, chi mi aspetta dentro quella macchina piena di notte? Sono paralizzata. Proibito fuggire!

Mi avvicino un passo alla volta, trattenuta da una corda invisibile. China in avanti, guardo: mi sto giocando la vita!

Quell’uomo di cui indovino la figura magra o massiccia nella penombra è un poliziotto? Un assassino? Devo vedere i suoi occhi, un altro istante doloroso e pungente, devo decidermi.

Presto, la macchina non aspetta, ne arrivano altre, mi osservano, mi chiamano. Non mi resta che saltare a bordo, lasciarmi portare via non appena la portiera si richiude.

E quante volte sono capitata male! È la lotteria della notte. Ogni alba è una liberazione, una risurrezione; sono scampata al peggio.

Una sera nebbiosa salgo in un furgone nascosto in una stradina. Andiamo ai confini della città per fermarci in un piazzale circondato di capannoni e terreni incolti. Non un rumore. Un po’ di luce tremola intorno a un lampione, che illumina l’erba spelacchiata.

Faccio il mio solito numero, i bambini, la mancanza di soldi, l’impossibilità di lavorare senza permesso.

S’inteneriscono. Anche l’uomo seduto al volante ha dei figli, sa cosa vuol dire, costa caro sfamarli.

«Se sarà gentile le farò un bel regalo».

Scosta una tenda di dietro. Appare un mucchio di vecchi stracci. Due braccia mi cingono, dondoliamo nei rifiuti, in un odore di spazzatura, di muffa.

Sommersa dagli stracci puzzolenti, non faccio in tempo a ritrovare i miei vestiti che lui è già sul suo sedile, raccomodato, riabbottonato, e rimette in moto il furgone. Grido:

«Il mio regalo!»

«Subito!»

Accostiamo e si ferma bruscamente davanti a una vetrina illuminata.

«Tenga» mi dice allungando la mano, «ecco qualche spicciolo. Mi faccia la cortesia di comprarmi un pacchetto di sigarette, lì davanti, al distributore automatico».

Non appena sono scesa la portiera sbatte, il furgone riparte e sparisce come un fantasma nella nebbia. Guardo cosa ho in mano: una moneta da cinquanta pfennig, tutto qua.

Piovono fini gocce di bruma, la notte è gelata. Non un alito di vento, tutte le case dormono. Cammino senza sapere dove vado, prendo una strada a caso. Il tempo non esiste più, la nebbia ha corroso tutto.

Una macchina sorta all’improvviso mi ha raccolta, non so per quale miracolo. Va verso la città, ritrovo il ponte, i capanni e il sentiero che porta ai miei figli.

Carnefici delle notti di Norimberga, voi mi avete incoronata gatta selvatica e madre dei miei piccoli. Vi rendo grazia, bastardi, abbiamo sempre avuto da mangiare!

Notte dopo notte, ho raschiato le briciole dai vostri denti marci!

Notte dopo notte mi sono indurita, risollevata, rimpolpata, i poliziotti non ci hanno trovati!

Di giorno viviamo, camminiamo alla luce del sole. Ogni mattina vado alla bottega dove le banconote sottratte al tremolio delle vostre budella si trasformano in cibo miracoloso!

Dimentico le vostre stanze imbottite come bare, le contorsioni delle vostre flaccide scorze, la durezza dei sedili delle macchine, lo schiaffo dei venti gelidi quando mi buttate fuori alle quattro del mattino!

Il giorno è nostro! Ridiamo, mangiamo, passeggiamo, compriamo addirittura dei giocattoli. Viviamo come veri zingari!

Di notte, nel cuore della città vecchia di Norimberga, siamo in molte a girare per le strade come libellule frementi. I nostri tacchi risuonano sul selciato. Inguainate in un silenzio di stoffe, cristalli, gioielli: fiori favolosi che risplendono nelle grandi vetrine illuminate.

Published January 12, 2020
Excerpted from Il nero è un colore, Keller, Trento 2019
© Keller 2019

From El negro es un color

Written in French by Grisélidis Réal


Translated into Spanish by José Miguel Marcén

 

Cogemos el autobús hasta el final, en los confines de la ciudad, en un barrio de fábricas.

Después de cruzar el puente, hay que andar todavía un buen rato por un estrecho sendero de tierra, entre los prados.

En una brumosa tierra de nadie surgen los cobertizos como champiñones leprosos, rodeados de alambradas. Para llegar al nuestro hay que atravesar un laberinto de parcelas con sus míseras cabañas, sus perros ladradores y sus viejos ataviados con monos o mandiles ocupados en desherbar o en labrar la tierra. Se acercan a nosotros para mirarnos con curiosidad.

El joven les saluda, azorado. ¡Debe de estar tremendamente arrepentido de haberme hablado de la casita! Parece estar dirigiendo una familia sospechosa, pobre, casi andrajosa. Desentonamos con estos limpios paisajes de lechugas y maíz cuidadosamente alineados.

Abre el portillo del terreno, de «nuestro» terreno, y luego la puerta de una cabaña meticulosamente encerada. ¡Una verdadera casa, sólo para nosotros!

Dos pequeños cuartos bien limpios, con parqué limpio y camas recubiertas por una colcha de cuadros. No hay agua, ni electricidad, ¡pero es nuestra casa, por fin!

Por la tarde voy a buscar agua a una fuente bastante lejana, al lado de la carretera y, mientras aprieto con todas mis fuerzas el tirador y el agua gorgotea en los cubos, veo pasar por el cielo anaranjado mágicos coches americanos repletos de negros. Por las ventanas nos hacen signos con las manos en el crepúsculo, como cuervos que nos incitaran al viaje, más allá de los álamos polvorientos. Hacia el otro lado de la tierra, quizá hacia América. Los niños y yo agitamos nuestros pañuelos.

Pero pasan y desaparecen, el cielo se ennegrece, hay que volver al redil, cargada con dos cubos con asas cortantes que me desuellan las manos y cuya agua se vierte a cada paso y me moja.

Nos espera una escuálida sopa de avena, cocinada en el infiernillo entre los dos cuartos, iluminada por una vela.

Los niños están acostados. Me pinto a la vacilante luz de la vela y con un espejo roto en la mano.

Despacio, repaso con negro mis cejas y rodeo mis ojos con un trazo oscuro, plateo mis párpados. Sí, aunque se destrocen pérfidamente mi juventud y mi salud, quiero conservar mi brillo. ¡Que mi angustia sea deslumbrante!

Salgo a la noche como quien se lanza al agua, con los dientes apretados. La hierba me llega hasta las rodillas. Es verano y los insectos me pican al tiempo que chirrían estrepitosamente.

Los perros ladran cuando paso por delante de las cabañas y mis tacones se hunden en la tierra. Tengo que ir deprisa, desaparecer antes de que la gente se despierte.

Cuando llego a la carretera, tras una larga caminata por los prados saciados de noche, recupero el aliento y me endurezco con todas mis fuerzas.

Ando recto hacia delante, acariciada por los faros de los coches, pupilas al acecho. Cada vez que uno se para, la portezuela se entreabre y una mano me hace una seña, mi corazón deja de latir.

¿Quién es el que me espera en el interior de ese coche lleno de noche? Me quedo clavada en el sitio. ¡Está prohibido huir!

Me acerco paso a paso, retenida por una cuerda invisible. Cuando me inclino, miro: ¡en ese segundo se juega mi vida!

Ese hombre, cuya silueta, delgada o fornida, adivino en la penumbra, ¿es un policía?, ¿un asesino? Tengo que ver sus ojos, otro segundo intenso y doloroso, tengo que decidirme.

Y deprisa, porque el coche no espera, otros siguen, me observan, me llaman. No tengo más que entrar, dejarme llevar en cuanto se vuelva a cerrar la puerta.

¿Cuántas veces habré caído en trampas? Es la lotería de la noche. Cada amanecer es una liberación, una resurrección: he escapado a lo peor.

Una noche de niebla, subo en una camioneta disimulada en un callejón. Partimos a los confines de la ciudad para parar en una plaza rodeada de naves industriales y terrenos baldíos. Ni un ruido. Una luz parpadea en una farola iluminando la hierba rala.

Cuento mi película habitual, los niños, la falta de dinero, la imposibilidad de trabajar sin permiso.

Era de esperar. El hombre que está sentado al volante también tiene niños y sabe de qué le hablo, es muy caro darles de comer.

—Te daré un bonito regalo si eres amable.

Descorre una cortina que hay detrás. Aparece un amasijo de trapos viejos. Me rodean dos brazos y nos agitamos entre los detritus, de los que se desprende un olor de basura, de moho.

Sumergida entre guiñapos hediondos, ni siquiera he encontrado mi vestido cuando él ya está en su asiento, recompuesto y reabotonado, y pone la camioneta en marcha. Grito:

—¡Mi regalo!

—Enseguida.

Giramos y se detiene bruscamente ante un escaparate iluminado.

—Toma dinero —dice, poniéndomelo en la mano—, haz el favor de traerme un paquete de cigarrillos. Ahí hay una máquina.

No bien he bajado, cierra la portezuela, la camioneta arranca y desaparece como un fantasma en la niebla. Miro en mi mano: una moneda de cincuenta pfennigs, eso es todo.

La niebla cuaja en finas gotas, la noche es helada. Ni un murmullo, todas las casas duermen. Ando sin saber adónde voy, cojo una calle al azar. Ya no es ninguna hora, la niebla lo ha borrado todo.

No sé por qué milagro un coche surgido de repente me ha acogido. Va hacia la ciudad, y encuentro el puente, las barracas y los senderos que llevan hacia mis hijos.

Verdugos de las noches de Nuremberg, me habéis consagrado como gata salvaje y madre de mis pequeños. ¡Os doy las gracias, cabrones, siempre he tenido qué comer!

¡Noche tras noche, he rascado migajas en vuestros dientes podridos!

¡Noche tras noche, me he endurecido, me he erguido, he engordado, los polis no me han encontrado!

Durante el día vivo, camino bajo el sol. ¡Cada mañana voy a la tienda, donde los billetes arrancados a los temblores de vuestras tripas se convierten en maravillosa comida!

¡Me olvido de vuestras cabinas acolchadas como ataúdes, de las contorsiones de vuestros pellejos flácidos, de la dureza de los asientos de coche, de la bofetada del viento helado cuando me echáis fuera a las cuatro de la mañana!

¡El día es nuestro! ¡Reímos, comemos, nos paseamos, hasta compro juguetes! ¡Vivimos como verdaderos zíngaros!

En el corazón de la ciudad vieja de Nuremberg somos muchas las que damos vueltas por las calles como libélulas trémulas. Nuestros tacones resuenan sobre los adoquines. Encerradas en un silencio de telas, alhajas, joyas, flores mágicas relumbran en altos escaparates iluminados.

Published January 12, 2020
Excerpted from El negro es un coloro, Edicions Bellaterra 2005
© Edicions Bellaterra 2005


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