Voyage, écriture, altérité

Written in French by Nicolas Bouvier
| A specimen of Babel: Stories on the loss of the earth’s one speech and the confusion of languages

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C’est la lecture des atlas, entre huit et douze ans, à plat ventre sur le tapis de la bibliothèque, qui m’a conduit au voyage. Et le voyage, ensuite, à l’écriture.

Au retour d’une absence qui avait duré presque quatre ans et m’avait conduit au Japon, j’ai compris que si je gardais tout cet Orient dans ma tête, elle allait éclater comme une citrouille trop mûre. Il fallait que je raconte.

Je me suis alors mis au travail, à l’établi pour me forger des mots comme autrefois on forgeait les clous, avec l’aide d’une pléiade d’écrivains aujourd’hui disparus et auxquels je dois presque tout. J’adore les dettes; un homme sans dettes ne m’inspire pas confiance. La phrase la plus stupide que j’aie entendue à mon retour – et je l’ai entendue souvent – c’était: «MOI je n’ai jamais rien dû à personne.»

Je dois donc tout, sauf la manière. Comme Kurt Vonnegut l’écrivait dans Palms Sunday: «Good writers are burglar’s proof» (les grands écrivains sont incambriolables). Personne ne peut imiter Akutagawa Dylan Thomas, Vladimir Holan, Ossip Mandelstam, Céline, Henri Michaux, Giono, etc. Ce que ces bienfaiteurs nous donnent, ce ne sont pas des leçons de style, mais d’entrain, de courage et, dans le meilleur des cas, un peu de cette liberté intérieure derrière laquelle je courrais toute ma vie sans espoir de la rattraper.

L’essence de la bonne écriture n’est donc pas pour moi le talent– notion spécieuse et floue – mais le courage de dire les choses telles qu’on les a réellement perçues et non comme un consensus de personnes «autorisées» souhaiteraient qu’on les ait senties.

Dans ce travail de cordonnier, je me suis très vite heurté aux insuffisances du langage qui découlent souvent de nos carences personnelles, mais existent aussi objectivement. Si le langage est bien un des serviteurs, un des miroirs du monde, c’est un serviteur souvent absent, un miroir presque toujours embué. En cherchant à rédiger ce qui devait être le simple compte rendu d’une longue route, je me suis aperçu qu’un certain nombre de choses refusaient d’être dites, et que plus elles étaient centrales et essentielles, plus elles renâclaient à être réduites à des mots. La raison de cette réticence étant, je crois, que le monde est sans cesse et partout polyphonique et qu’à ce monde, nous ne prêtons par «insuffisance centrale de l’âme» (Antonin Artaud) qu’une attention monodique… ou pas d’attention du tout. Quand nous lisons la partition, nous n’en lisons le plus souvent qu’une ligne.

Il existe cependant des instants éblouissants et trop brefs où nous cessons de percevoir les choses comme isolées, solitaires, autonomes, disjointes, orphelines et où les harmoniques qui régissent leur ordonnance nous parviennent dans un déferlement éperdu, heureux. Chacun de nous a connu et connaîtra encore des moments de «présence plénière» (Kenneth White) que nous nommons «illuminations». Dans le bouddhisme japonais, on les appelle «satori» du verbe «satoru» qu’on pourrait traduire par «recevoir conscience», et ce sont justement ces instants qui ne se laissent pas décrire. Dans les traditions chinoises et japonaises, les poèmes composés lors de, ou juste après cet «éveil» souvent obtenu au prix d’une ascèse terrifiante, sont totalement incohérents, incongrus, éclatés, parce que le bonheur de cette brusque saisie du réel ne peut se réduire à un discours rhétorique linéaire, si bon soit-il.

En voyage j’ai, par usure physique, fatigue, ou au contraire après une excellente sieste dans le trèfle, vécu quelques-unes de ces illuminations et ne suis jamais parvenu à en rendre vraiment compte. Quand je dis «en voyage», je ne songe pas à dire que ces instants fulgurants soient le monopole de l’état nomade; ils peuvent aussi bien survenir dans la cellule d’un moine ou dans le lit d’une femme. De même, je n’accorde aucune supériorité à la littérature pérégrine sur celle des sédentaires. Il y a des écrivains qui ont besoin de géographies et d’autres de concentration: des voyageurs et des voyants. J’appartiens à la première famille.

Pour revenir aux limites du langage, Rimbaud est un exemple édifiant.

Dans sa folle jeunesse, Rimbaud s’est pris pour un démiurge. Il a vraiment cru que les mots pouvaient tout dire et il a pris de grands risques pour tout leur faire dire. On peut dire qu’il a mis sa vie en jeu dans cette aventure. Il a même donné à un de ses recueils ce titre Illuminations. Une illumination ne peut pas être écrite. C’est évident. Quand il a reconnu son erreur, il est allé vendre des fusils aux Abyssins. Peut-être même des moulins à café Peugeot. C’est un point très discuté par les critiques.

Il s’est fait commerçant pour ne pas devenir fou.

Fou comme Hölderlin

Fou comme Nerval

Fou comme Nietzsche

Fou comme Artaud

Le meilleur comme le pire de ce que nous vivons ne peut pas être dit.

Les mots ont leurs limites parce qu’ils ont une odeur, une couleur, une histoire, une opacité. Ils ont été mêlés à quantité d’affaires louches et sont fichés à la police. Ils ont traîné dans toutes les bouches comme de très vieilles cuillers. Ils ne peuvent exprimer pleinement ni l’horreur ni la félicité de vivre.

Il y a donc quelque part une douane du silence.

Les douaniers sont encore des mots. Ils s’appellent «ineffable» ou «indicible», «inexprimable» ou encore, en grec «apophatikos». Ce sont les derniers de notre vocabulaire et son aveu d’impuissance. Qui s’approche de cette douane y risque sa raison, son langage se désincarne, blanchit, s’ossifie, comme un drap d’hôpital ou un squelette. Si cette douane est franchie, tout bascule dans l’opaque, dans l’innommable, dans le blanc: il n’y a plus de texte, il n’y a plus de noms.

Pas de perfection sans combustion et disparition. C’est pourquoi je ne connais pas de textes parfaits. Mais j’en connais de si beaux que je les copie à la main les jours de déprime pour me redonner du courage. Ils sont presque tous blancs.

Ils s’approchent de cette douane qu’ils ne franchiront jamais.

Par exemple Hölderlin:

Oh Weh! wo nehme Ich die Blumen
und den Sonnenschein
wenn es Winter ist?
Die Mauern stehen sprachlos und kalt
im Winde klirren die Fahnen.

ou Henri Michaux:

Sur le chemin de la Mort,
Ma mère rencontra une grande banquise;
Elle voulut parler,
Il était déjà tard;
Une grande banquise d’ouate.
Elle nous regarda mon frère et moi,
Et puis elle pleura.

Nous lui dîmes mensonge vraiment absurde
[que nous comprenions bien.
[…]
Ensuite elle fut prise dans l’Opaque.

ou Vladimir Holan:

Voici le moment où le lac gèle à partir de ses rives
et l’homme à partir de son cœur.

enfin chez Rimbaud:

Mon paletot aussi devenait idéal
j’allais sous le ciel, Muse
et j’étais ton féal.

Langue allégée, épurée à l’extrême, mots débarrassés de leurs scories, lignes chauffées à blanc.

Si l’écriture a pouvoir de consolation, parfois de transmutation quasi alchimique, je ne lui reconnais pas le pouvoir de créer ou de détruire ex nihilo. L’écrivain ne fabrique ni les mots ni les choses, il les marie, et lorsque le mariage est réussi, le lecteur qui a aussi tout ou presque tout vécu mais n’a pas fait ce travail de greffier, claque dans ses doigts et se dit «c’est ça! c’est exactement ça! mon Dieu, j’aurais pu y penser».

Même évoqué par un écrivain de génie, aucun paletot, jamais, ne deviendra «idéal».

Je crois que la musique et le rire, autres valeurs universelles, vont parfois plus loin dans la communication avec l’«Autre».

Dans le magnifique livre Orénoque-Amazone d’Alain Gheerbrant publié voici plus de trente ans, un épisode m’a frappé: ils sont quelques ethnologues ou flibustiers français dans un véritable blanc de la carte. Leur guide et interprète amazonien vient d’être noyé dans un rapide. Ils échouent leurs deux pirogues sur une petite anse sableuse. Ils sont aussitôt entourés de sauvages sortis de nulle part, silencieux et hostiles, leurs arcs avec flèches au curare déjà bandés. Ils n’ont plus aucune chance de parler, peut-être encore une chance de s’entendre. Qui sait? Ils passent sur leur enregistreur une cassette de Mozart. Et ces indiens prêts à tuer écoutent, posent leurs armes, écoutent encore, sortent de petites flûtes de leur barda et s’échinent à suivre la partition. Fin des hostilités. Tout s’éclaire; cette jam-session impromptue devrait figurer dans toutes les histoires de la musique car je ne vois aucun discours qui aurait pu tirer ces malheureux étrangers d’affaire.

Lorsque Saint Jean est revenu de l’île de Patmos où Dieu lui avait parlé, il a déclaré que ce qu’il avait entendu, il ne pouvait pas le dire. Dommage! S’il avait eu une flûte de Pan accrochée à sa ceinture, peut-être bien qu’il nous aurait joué un petit quelque chose.

Lorsqu’en 1945, l’empereur Hirohito s’est adressé à la nation japonaise et a récité un poème du Moyen Âge pour lui faire accepter l’humiliation de la défaite, les campagnards qui ne l’avaient jamais entendu ont été frustrés et déçus qu’il utilise des mots et parle japonais. Ils pensaient que le langage de ce Dieu était exclusivement fait des voix de la nature: vent, tonnerre, ressac, averse, course sèche des feuilles mortes… mais des mots?!? rien que des mots qu’ils ont peut-être prononcés eux-mêmes. Non.

Pour qui voyage, et surtout à la campagne, aux limites évoquées plus haut s’ajoute la difficulté – par exemple pour trouver son chemin – d’avoir affaire à des interlocuteurs incompréhensibles et j’ajouterai qu’on s’amuse beaucoup à réduire cet obstacle par de petits pictogrammes faits avec la pointe du pied dans le sable ou par un langage gestuel qui à mesure qu’on progresse vers l’Est devient plus inventif, nuancé et ingénieux et, au moins jusqu’à l’Indus, plus obscène.

Ensuite, bien entendu, pour chaque pays où l’on séjourne un peu, on se fait un glossaire ad hoc (pour moi le vocabulaire photographique et celui du mécanicien sur voiture) et de bons éléments de grammaire, non seulement pour tenter de se faire comprendre, mais surtout pour mieux comprendre l’interlocuteur parce que les structures linguistiques en disent très long sur l’état, sur les équilibres, sur la nature d’une société.

Il n’est pas mauvais de se mettre aussi en tête deux ou trois douzaines de proverbes. Je précise que je n’ai aucune estime pour les proverbes, sorte de crottes mentales nées d’une résignation populaire qu’on ne peut que déplorer et qui tient partout le même discours subalterne. Rien n’établit, par exemple, qu’une «bonne renommée» vaille mieux qu’une «ceinture dorée». Cette alternative est spécieuse; je serais sans doute d’un commerce plus agréable si j’avais aussi une ceinture dorée. Mais l’intérêt des proverbes est qu’ils abordent avec un angle propre à chaque culture les mêmes situations, généralement désastreuses. En Occident «un malheur n’arrive jamais seul», en Orient c’est «une piqûre de guêpe sur un visage en pleurs». En outre, placés au bon moment, les proverbes signifient que, même si l’on ne peut pas se faire entendre, on a justement apprécié la cocasserie ou la gravité des circonstances.

Enfin – et c’est beaucoup mieux – dans quelques pays privilégiés, l’étranger peut utiliser la POÉSIE comme carte de visite ou déclaration d’intention. Je pense ici à la Perse et au Japon, nations où, par transmission orale ou tradition lettrée, la poésie est aussi populaire que chez nous le loto ou le football.

Hivernant en Azerbaïdjan iranien, j’avais eu tout loisir de découvrir la magnifique poésie classique (Kayam, Hafiz, Nizami, Attar, etc.) du cru. J’étais tombé sur un quatrain de Hafiz qui résumait de façon saisissante l’état nomade:

Même si la route est incertaine
et l’abri de ta nuit, peu sûr
sache que toute route a son terme
que tout voyage a sa fin
ne mange pas ton coeur.

Nous l’avions fait peindre par un calligraphe sur la portière de notre petite voiture. Des mois plus tard, sur les pistes hostiles et dans les patelins abandonnés de Dieu de l’Est iranien, ce poème nous a servi de passeport et de sauvegarde. Dans les rassemblements, parfois patibulaires, qui nous entouraient aux étapes, il s’est toujours trouvé quelqu’un – flic, infirmier ou «politique» exilé dans l’Est – pour déchiffrer d’une voix stupéfaite:

Giachte mansel bashra tardi…

et cette petite compagnie rongée par le trachome et quelques autres maux divers, entonnait et terminait d’une seul voix

…Iich rôhi niist, kouro niist
Rhem mechor…

en opinant du bonnet.

Pouvoir ici de la poésie et du sens partagé qui rejoint presque celui de la musique.

* * *

Dans la vie de voyage, l’incompréhension et l’inintelligibilité ont aussi parfois leurs vertus. Une énigme non résolue tient plus à l’esprit que des propos compris d’emblée et aussitôt rangés au rayon des phonèmes sans surprise. Lors d’un bref séjour dans une prison en Kurdistan, un détenu m’avait posé cette colle «un château blanc sans porte». Tout le temps que j’ai tourné et retourné cette devinette dans ma tête sans en trouver la réponse, le visage de mon interlocuteur n’a cessé de m’apparaître. De retour à Tabriz, comme je donnais ma langue au chat, une de mes élèves m’a dit: «Mais voyons! c’est un ŒUF, un enfant l’aurait deviné.» Le visage de ce prisonnier a disparu avec ma perplexité, preuve qu’elle nous attache au moins autant aux autres que les certitudes et les évidences. Ce qui nous renvoie droit comme une flèche à la Tour de Babel.

Pour les agnostiques, je rappelle en deux mots l’histoire racontée dans l’Ancien Testament. Les hommes qui parlaient tous la même langue s’étaient mis en tête de construire une tour qui atteindrait le Ciel. Jéhovah qui désapprouvait cette entreprise inventa alors une centaine de langues différentes et la confusion qui s’en suivit paralysa cet immense chantier. Comme quelques autres fables de l’Ancien Testament, celle-ci m’a toujours paru douteuse. Comment croire qu’un Dieu tout-puissant et omniscient ait pu s’alarmer d’un projet aussi enfantin que stupide.

Il suffit de voir les représentations qu’en ont donné Breughel l’Ancien et quelques autres pour comprendre que cette malheureuse affaire était vouée à l’échec par la géométrie euclidienne et par les lois que Newton allait plus tard découvrir. Si large que soit la base, fatalement, les obliques se rejoignent juste sous les premiers nuages. Le résultat final est un décevant pâté de terre au sommet tronqué, entouré comme un gâteau de mariage par une route en spirale où l’on voit la fumée monter des fours à brique et des échoppes des maréchaux-ferrants. Il fallait beaucoup de chevaux pour transporter la terre jusqu’au Ciel. Dieu ne pouvait que s’amuser de cette fourmilière inutile.

Dans la tradition juive hassidique, on trouve une version plus plausible et satisfaisante de cette tour inachevable et inachevée: les hommes parlaient tous la même langue. En ce temps-là, comme aujourd’hui, ils ne faisaient que se plaindre du temps; les femmes de leur mari, les époux de leur femme, gémir sur leur santé et l’approche de la mort. Cette litanie était devenue si monotone que personne n’écoutait plus personne. Sachant d’avance, à quelques mots près ce que l’Autre allait dire, on ne lui prêtait plus la moindre attention. C’est donc pour échapper à l’indifférence et à l’ennui que nous nous serions lancés dans cette construction inepte. À en croire certains auteurs, même ce défi n’aurait pas suffi à tirer l’humanité de son laconisme et de sa torpeur. En regardant attentivement la toile de Breughel l’Ancien, il m’a bien semblé entendre chanter quelques coqs, et le fouet des charretiers claquer dans le froid, mais aucune voix humaine. La Tour se serait édifiée dans un silence de mort. Dieu qui contemplait ce gâchis avec un sourire navré aurait alors, dans son infinie miséricorde, créé toutes ces langues, dialectes ou patois différents pour réveiller une curiosité qui s’était éteinte.

Notre esprit étant plus occupé de ce qu’il ne saisit pas que de ce qu’il a déjà compris, l’Autre qu’on ignorait encore la veille était d’un seul coup devenu personnage énigmatique, objet d’hypothèses, d’étude et d’intérêt.

Je suppose que vous avez compris ces quelques mots, mais si vous n’avez pas tout compris, vous risquez bien de vous en souvenir plus longtemps.

– – –

The myth of Babel tells of the loss of the earth’s one language and one speech, and the confusion of languages. Suddenly every object and every idea assumed a plurality of names, and the oversized tower, symbol of human imagination and hubris, was abandoned within the shadow foreboding its destruction. With an unprecedented series of correlated texts, Specimen explores these magnificent ruins, hearing echoes of the multiplicity of languages and the birth of translation. This collection includes texts about Babel, translation or language, and special translations. In September 2021, 20 years after 9/11, the Babel festival will focus on the multiplication of languages and the present diaspora from the regions of ancient Babylon – the scattering of the children of men over the face of all the earth. >> www.babelfestival.com

Excerpted from Nicolas Bouvier, L’Échappée belle, éloge de quelques pérégrins, Éditions Metropolis, Genève 2000
©Éditions Metropolis 2000

Das Reisen, das Schreiben, der Andere

Written in French by Nicolas Bouvier
| A specimen of Babel: Stories on the loss of the earth’s one speech and the confusion of languages


Translated into German by Giò Waeckerlin Induni

Die Atlanten, die ich im Alter zwischen acht und zwölf, bäuchlings auf dem Teppich der Bibliothek liegend, las, haben mich zur Reise geführt. Und dann die Reise zum Schreiben.

Nach der Rückkehr von einer Abwesenheit, die nahezu vier Jahre gedauert und mich nach Japan geführt hatte, wurde mir klar, dass ich all diesen Orient nicht in meinem Kopf speichern konnte, denn sonst würde er platzen wie ein überreifer Kürbis. Ich musste erzählen.

Ich setzte mich also an den Nagelstock, um mit Hilfe einer Plejade verstorbener Schriftsteller, denen ich fast alles verdanke, Worte zu schmieden, so wie man einst Schusternägel schmiedete. Ich mag Schulden; ein schuldenfreier Mann macht mich misstrauisch. Der dümmste Satz, den ich bei meiner Rückkehr gehört habe – und ich habe ihn oft gehört –, war: »Ich habe nie jemand etwas geschuldet.«

Ich schulde also alles, ausser der Art und Weise zu schreiben. Wie Kurt Vonnegut es in seinem Palm Sunday schrieb: Good writers are burglar’s proof – Gute Schriftsteller sind einbruchsicher. Niemand kann Akutagawa, Dylan Thomas, Vladimír Holan, Ossip Mandelstam, Louis-Ferdinand Céline, Henri Michaux, Jean Giono und andere mehr imitieren. Was diese Wohltäter uns geben, sind keine Lektionen über Stil, sondern über Lebenslust, über Mut und auch ein wenig über die innere Freiheit, der ich mein ganzes Leben nachgejagt bin, ohne Hoffnung, sie einzufangen.

Die Essenz des Schreibens ist für mich also nicht die Begabung – ein verschwommener Scheinbegriff –, sondern der Mut, die Dinge so auszudrücken, wie man sie wahrgenommen hat, und nicht so, wie ein Konsens »befugter« Personen möchte, dass man sie gespürt hat.

In diesem Schusterhandwerk habe ich mich sehr schnell an den Unzulänglichkeiten der Sprache gestossen, die oft von unseren persönlichen Defiziten herrühren, aber objektiv tatsächlich vorhanden sind. Wenn die Sprache einer der Diener, ja einer der Spiegel der Welt ist, dann ist es ein oft abwesender Diener, ein fast immer beschlagener Spiegel. Beim Versuch, den schlichten Rechenschaftsbericht eines langen Weges zu verfassen, musste ich feststellen, dass eine ganze Anzahl Dinge sich weigerten, gesagt zu werden, und dass, je zentraler und wichtiger sie waren, sie sich um so mehr sträubten, auf Wörter reduziert zu werden. Der Grund dieses Widerstrebens war, glaube ich, dass die Welt überall und ständig polyphon ist und dass wir dieser Welt aufgrund eines zentralen Ungenügens der Seele (Antonin Artaud) nur eine monodische Aufmerksamkeit widmen. Oder überhaupt keine. Wenn wir die Partitur lesen, lesen wir meistens nur eine Zeile.

Dennoch gibt es glänzende und allzu kurze Momente, da wir aufhören, die Dinge wie aus dem Zusammenhang gerissen, einzeln, autonom, zergliedert, verwaist wahrzunehmen, Momente, da die Obertöne, die die Komposition bestimmen, in einem beglückenden, leidenschaftlichen Aufbranden zu uns dringen. Jeder von uns hat diese Momente vollkommener Präsenz (Kenneth White) erlebt, die wir Illuminationen nennen, und jeder von uns wird sie erneut erleben. Im japanischen Buddhismus nennt man sie satori, vom Verb satoru, was sich mit »plötzliche Erkenntnis« übersetzen liesse, und genau diese Momente sind es, die sich nicht beschreiben lassen. In der chinesischen und in der japanischen Tradition sind die Gedichte, die während oder gleich nach diesem »Erwachen« geschrieben werden, oft das Resultat einer grausamen Askese, sind total unzusammenhängend, anstössig, zersplittert, weil die Freude dieser brüsken Inbeschlagnahme des Wirklichen sich nicht auf einen rhetorischen Diskurs reduzieren lässt, mag er noch so klug sein.

Unterwegs habe ich dank physischer Strapazen, Erschöpfung oder – im Gegenteil – nach einer herrlichen Siesta im Klee ein paar dieser Illuminationen erlebt, doch es ist mir nie gelungen, mir darüber wirklich Rechenschaft zu geben. Mit »unterwegs« meine ich nicht etwa, dass diese überwältigenden Momente das Monopol des Nomadisierenden sind; sie können sich ebenso in der Zelle eines Mönchs oder im Bett einer Frau offenbaren. Im übrigen stufe ich die Literatur der Reisenden keineswegs höher ein als die der Sesshaften. Es gibt Schriftsteller, die brauchen Geographien, und andere brauchen Konzentration: Reisende und Seher also. Ich gehöre zur Familie ersterer.

Um auf die Grenzen der Sprache zurückzukommen: Rimbaud ist ein aufschlussreiches Beispiel.

In seiner wilden Jugend hielt sich Rimbaud für einen Weltenschöpfer. Er glaubte aufrichtig, dass Worte alles ausdrücken können, und er nahm grosse Risiken auf sich, um die Wörter alles ausdrücken zu lassen. Man kann also berechtigterweise sagen, dass er für dieses Abenteuer sein Leben aufs Spiel setzte. Einen seiner Gedichtzyklen nannte er sogar Illuminationen. Eine Illumination lässt sich nicht schreiben. Das ist offensichtlich. Als er seinen Fehler einsah, ging er nach Abessinien Gewehre verkaufen. Vielleicht sogar Peugeot-Kaffeemühlen. Was bei den Kritikern ein sehr umstrittenes Thema ist.

Er wurde Kaufmann, um nicht wahnsinnig zu werden.

Wahnsinnig wie Hölderlin.

Wahnsinnig wie Nerval.

Wahnsinnig wie Nietzsche.

Wahnsinnig wie Artaud.

Sowohl das Beste als auch das Schlimmste unseres Erlebens lässt sich nicht »sagen«.

Die Wörter haben ihre Grenzen, denn sie haben einen Geruch, eine Farbe, eine Geschichte, eine Opazität. Sie sind in viele undurchsichtige Angelegenheiten verwickelt worden und bei der Polizei aktenkundig. Sie sind in aller Munde herumgereicht worden wie alte Löffel. Sie können weder das Grauen noch das Glück zu leben voll und ganz ausdrücken.

Irgendwo gibt es also eine Zollstelle des Schweigens. Und die Zöllner sind wiederum Wörter. Sie nennen sich »unsagbar« oder »unaussprechlich« oder »unbeschreiblich« oder auf griechisch apophatikos. Sie stehen am Schluss unseres Vokabulars und sind ein Geständnis der Ohnmacht. Wer sich diesem Zoll nähert, riskiert seinen Verstand, seine Sprache entflieht dem Körper, verbleicht, verknöchert, wird steif wie ein Krankenhausleintuch oder brüchig wie ein Skelett. Wenn man durch diesen Zoll geht, kippt alles ins Opake, ins Unsagbare, ins Weiss: es gibt keinen Text mehr, es gibt keine Namen mehr.

Keine Vollkommenheit ohne Verbrennen und Verschwinden. Daher kenne ich keine vollkommenen, keine perfekten Texte. Dafür kenne ich Texte, die so wunderbar sind, dass ich sie an depressiven Tagen von Hand abschreibe, um mir wieder Mut zu machen. Sie sind sozusagen alle weiss.

Sie nähern sich diesem Zoll, den sie nie überschreiten werden.

Hölderlin zum Beispiel:

Weh mir, wo nehm’ ich, wenn
Es Winter ist, die Blumen, und wo
Den Sonnenschein,
Und Schatten der Erde?
Die Mauern stehn
Sprachlos und kalt, im Winde
Klirren die Fahnen.

Oder Henri Michaux:

Auf dem Weg des Todes
Begegnete meiner Mutter ein grosses Eisfeld;
Sie wollte sprechen,
Es war schon spät;
Ein grosses Eisfeld aus Watte.

Sie sah uns an, meinen Bruder und mich,
Und dann weinte sie.
Wir sagten ihr – eine wirklich sinnlose Lüge –,
dass wir sie gut verständen.
[…]
Darauf wurde sie hineingenommen ins Dunkel.

Oder Vladimír Holan:

Dies ist der Augenblick, da der
See von seinen Ufern
und der Mensch von seinem Herzen her gefriert.

Und schliesslich Rimbaud:

Mein Paletot ward auch schon langsam ideal;
Ging unterm Himmel hin, Muse, als dein Vasall
[…]

Verfeinerte, von Überflüssigem befreite, entschlackte Sprache, zu Weissglut erhitzte Zeilen.

Auch wenn die Literatur die Macht zu trösten, ja manchmal fast zu einer alchemistischen Transmutation hat, gestehe ich ihr nicht die Macht ex nihilo der Schöpfung oder der Vernichtung zu. Der Schriftsteller schafft weder die Worte noch die Dinge, er traut sie, und wenn die Ehe gut ist, schnalzt der Leser – der ebenfalls alles oder fast alles erlebt, dieses »Protokoll« jedoch nicht geschrieben hat – mit den Fingern und sagt sich: »Genau, genauso ist es! Mein Gott, ich hätte selber auf den Gedanken kommen können.«

Kein Paletot wird jemals »ideal«, auch nicht wenn er von einem genialen Schriftsteller heraufbeschworen wird.

Ich glaube, es gibt Situationen, da die Musik und das Lachen, weitere universelle Werte, in der Verständigung mit dem »Anderen« uns weiterbringen.

Eine Episode im wunderbaren, vor über dreissig Jahren erschienenen Buch Welt ohne Weisse von Alain Gheerbrant ist mir besonders in Erinnerung geblieben: Ein paar französische Ethnologen oder Flibustier reisen durch einen buchstäblich weissen Flecken auf der Landkarte. Ihr amazonischer Führer und Dolmetscher ist eben in einer Stromschnelle ertrunken. Sie stranden mit ihren zwei Pirogen in einer kleinen Sandbucht. Und sind im Nu von Wilden umringt, die stumm und feindlich aus dem Nichts auftauchen und drohend ihre Curare-Pfeile schwenken. Sie haben keinerlei Möglichkeit mehr, sich durch die Sprache zu verständigen. Aber vielleicht doch noch eine Möglichkeit, einander zu verstehen? Wer weiss. Sie legen eine Mozart-Kassette in ihr Tonbandgerät ein. Und die mordlustigen Indianer horchen auf, legen ihre Waffen nieder, hören genauer hin, holen ihre kleine Flöte aus ihrem umgehängten Beutel und legen sich ins Zeug, um der Partitur zu folgen. Ende der Feindseligkeiten. Alles klärt sich schliesslich auf; diese einmalige jam session aus dem Stegreif müsste in jeder Musikgeschichte Eingang finden, denn ich sehe sonst keinen Dialog, der diese fremden Pechvögel hätte aus der Affäre ziehen können.

Als der heilige Johannes von der Insel Patmos zurückkehrte, wo Gott zu ihm gesprochen hatte, erklärte er, dass er das, was er gehört habe, nicht sagen könne. Schade! Hätte er eine Panflöte an seinem Gürtel befestigt gehabt, hätte er uns vielleicht eine kleine Melodie vorspielen können.

Als sich Kaiser Hirohito 1945 an die japanische Nation wandte und ein Gedicht aus dem Mittelalter rezitierte, um seinen Untertanen die Nachricht von der Demütigung und der Niederlage beizubringen, waren die einfachen Menschen vom Land, die ihn noch nie hatten reden hören, frustriert und enttäuscht, dass er Worte benützte und auf japanisch zu ihnen sprach. Sie dachten, die Sprache dieses Gottes würde ausschliesslich aus Naturstimmen bestehen: Wind, Donner, Flut, Regen, dem Rascheln des dürren Laubs … aber Wörter?!?, bloss lauter Wörter, die man vielleicht selber hätte aussprechen können? Nein!

Wer reist und vor allem über Land reist, für den kommt – wenn er nach dem Weg fragt, zum Beispiel – zu den geschilderten Grenzen auch noch die Schwierigkeit hinzu, dass er es mit Gesprächspartnern zu tun hat, die er nicht versteht; es kann jedoch sehr amüsant sein, man braucht bloss mit der Fussspitze kleine Piktogramme in den Sand zu zeichnen, um dieses Hindernis zu überwinden, oder man verständigt sich mit der Gebärdensprache, die, je weiter man in Richtung Osten reist, desto erfinderischer, nuancierter und geistreicher wird und, zumindest bis zum Indus, auch obszöner.

Natürlich erstellt man sich mit der Zeit für jedes Land, das man bereist, ad hoc ein Glossar (für mich entspricht ein fotografisches Vokabular dem des Automechanikers) und merkt sich die wichtigsten grammatikalischen Grundbegriffe, nicht nur um zu versuchen, sich verständlich zu machen, sondern vor allem, um den Anderen besser zu verstehen, denn die linguistischen Strukturen sagen sehr viel über den Zustand, die Gleichgewichte, das Wesen einer Gesellschaft aus.

Auch zwei oder drei Dutzend Sprichwörter können von grossem Nutzen sein. Ich habe sonst überhaupt nichts für Sprichwörter übrig; für mich sind sie eine Art mentale Kacke, die, leider, aus einer volkstümlichen Schicksalsergebenheit entstanden und überall bloss subalternes Geschwätz ist. Nichts Bewiesenes! Zum Beispiel, dass »der gute Ruf Gold wert ist«. Eine pure Scheinheiligkeit! Würde ich auf einem Haufen Gold sitzen, wäre ich bestimmt von angenehmerem Umgang. Doch der Vorteil der Sprichwörter ist, dass sie sich mit einem jeder Kultur eigenen Aspekt auf die gleichen und meistens desaströsen Situationen beziehen. Im Okzident »kommt ein Unglück selten allein«, im Orient ist es »ein Wespenstich in einem weinenden Gesicht«. Im übrigen, selbst wenn man sich nicht verständigen kann, ein im richtigen Moment plaziertes Sprichwort signalisiert, dass man sehr wohl die Komik oder den Ernst der Situation erfasst hat.

Schliesslich – was viel besser ist – kann der Fremde in einigen privilegierten Ländern die POESIE als Visitenkarte oder Absichtserklärung verwenden. Ich denke besonders an Persien und an Japan, Nationen, in denen dank der mündlichen Überlieferung oder der literarischen Tradition die Poesie ebenso beliebt ist wie bei uns das Lotto oder der Fussball.

Als ich einen Winter im iranischen Aserbaidschan verbrachte, hatte ich Musse und Zeit, die wunderbare einheimische Lyrik zu entdecken (Kayam, Hafis, Nizami, Attar und andere mehr). Ich war auf einen Vierzeiler von Hafis gestossen, der ergreifend das Wanderleben zusammenfasst:

Kein sicheres Dach für die Nacht
und dein Ziel ist noch weit,
doch wisse, es ist kein Weg ohne Ende.
Sei nicht betrübt!

Wir liessen ihn von einem Kalligraphen auf die Tür unseres kleinen Autos malen. Monate später hat uns dieses Gedicht auf den feindseligen Pisten und den gottverlassenen Nestern im Osten Irans als Pass und Schutzbrief gedient. Unter den oft ziemlich finsteren Kerlen, die uns in den Etappen umringten, fand sich immer einer – Bulle, Krankenpfleger oder aus »politischen Gründen« in den Osten Verbannter –, der erstaunt entzifferte:

Giachte mansel bashra tardi …

Und die kleine, vom Trachom und verschiedenen anderen Übeln gepeinigte Runde stimmte, mit der Mütze nickend, im Chor ein:

… Iich rohi niist, kouro niist
Rhem mechor …

Macht der Poesie und geteilte Innerlichkeit, die fast die Innerlichkeit der Musik erreicht.

 

Im Alltag des Reisens haben das Nichtverstehen und das Unverständliche oft auch ihre guten Seiten. Ein nicht gelöstes Rätsel ist oft spannender als ein auf Anhieb gelöstes und daher gleich in die Abteilung reizloser Phoneme eingereihtes. Anlässlich eines kurzen Gastaufenthaltes in einem kurdistanischen Gefängnis stellte mir ein Mithäftling eine knifflige Frage: »Ein weisses Schloss ohne Türen … was ist das?« Ich zerbrach mir den Kopf, doch vergeblich. Und immer wenn ich später darüber nachdachte, tauchte das Gesicht meines Mithäftlings vor meinen Augen auf. Als ich schon aufgeben wollte und in Täbris die Frage einer meiner Schülerinnen stellte, erwiderte sie prompt: »Ein Ei! Was sonst? Das weiss doch jedes Kind!« Diese einfache Lösung hat das Gesicht des Häftlings verschwinden lassen: Beweis, dass das Unverstandene uns mindestens ebensosehr mit dem Anderen verbindet wie die Gewissheit und das auf der Hand Liegende. Was uns pfeilgerade zum Turm zu Babel bringt.

Für die Agnostiker fasse ich kurz diese im Alten Testament berichtete Geschichte zusammen: Die Menschen, die alle die gleiche Sprache sprachen, hatten sich in den Kopf gesetzt, einen Turm zu bauen, der bis in den Himmel reichen sollte. Jehova missbilligte dieses Vorhaben und erfand daher an die hundert verschiedene Sprachen, und siehe da: Das durch die vielen Sprachen ausgelöste Chaos legte die riesige Baustelle still. Nebst sonst noch ein paar Fabeln aus dem Alten Testament ist mir auch diese immer fraglich erschienen. Wie soll man glauben, dass ein allmächtiger und allgegenwärtiger Gott sich wegen eines ebenso kindlichen wie einfältigen Plans aufregt?

Man braucht sich nur die Darstellungen, die Brueghel der Ältere und noch ein paar andere von diesem Turm gemacht haben, anzusehen, um zu wissen, dass dieser unselige Plan durch die euklidische Geometrie und die von Newton später entdeckten Gesetze ohnehin zum Scheitern verurteilt gewesen wäre. Wie breit der Unterbau auch sein mag, die Schrägen treffen sich unweigerlich unter den am tiefsten hängenden Wolken. Das Resultat ist eine enttäuschende Lehmpastete mit einer abgestumpften Spitze, eine Art Hochzeitstorte, von einer spiralförmig aufwärts führenden Strasse umgeben, aus der man den Rauch der Ziegeleien und der Hufschmiede aufsteigen sieht. Es bedürfte vieler Pferde, um die Erde bis in den Himmel zu transportieren. Gott hätte sich doch bloss lustig gemacht über diesen unnützen Ameisenhaufen.

In der hassidischen Überlieferung findet man eine plausiblere und befriedigendere Version dieses unvollendbaren und unvollendeten Turms: Zwar sprachen damals die Menschen alle die gleiche Sprache. Doch sie taten – wie heute noch – nichts anderes, als sich über das Wetter zu beschweren; die Frauen klagten über ihre Männer, die Ehemänner über ihre Frauen, sie jammerten über ihre Gebresten und über den nahenden Tod. Diese Litanei war mit der Zeit so langweilig geworden, dass keiner mehr dem anderen zuhörte. Da man nach ein paar Worten genau wusste, was der Andere sagen würde, hörte man schon gar nicht zu. Um dieser Gleichgültigkeit und der Langeweile zu entfliehen, sollen wir uns also in dieses alberne Bauabenteuer gestürzt haben! Wenn man gewissen Autoren Glauben schenkt, hat offenbar selbst diese Herausforderung nicht gereicht, um die Menschheit aus ihrer Einsilbigkeit und ihrer Abgestumpftheit zu reissen. Als ich Jan des Älteren Gemälde genau betrachtete, glaubte ich ein paar Hähne krähen und die Peitsche des Fuhrmanns in der Kälte knallen zu hören. Aber keine einzige menschliche Stimme! Der Turm wurde anscheinend in der Totenstille gebaut. Gott, der sich traurig lächelnd diesen Schlamassel mit ansehen musste, soll dann in seiner grenzenlosen Güte all die vielen Sprachen erfunden haben, die verschiedenen Dialekte und Mundarten, um eine erloschene Neugierde zu wecken.

Da unser Geist mehr mit dem beschäftigt war, was er nicht begriff, als mit dem, was er bereits verstanden hatte, war der Andere, von dem man am Tag zuvor noch nichts wusste, mit einemmal zu einer geheimnisvollen Person geworden, Gegenstand von Hypothesen, von Studien und von Interesse.

Ich nehme an, der Leser hat diese paar Worte verstanden, sollte er nicht alles verstanden haben, wird er sich wahrscheinlich um so länger daran erinnern.

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The myth of Babel tells of the loss of the earth’s one language and one speech, and the confusion of languages. Suddenly every object and every idea assumed a plurality of names, and the oversized tower, symbol of human imagination and hubris, was abandoned within the shadow foreboding its destruction. With an unprecedented series of correlated texts, Specimen explores these magnificent ruins, hearing echoes of the multiplicity of languages and the birth of translation. This collection includes texts about Babel, translation or language, and special translations. In September 2021, 20 years after 9/11, the Babel festival will focus on the multiplication of languages and the present diaspora from the regions of ancient Babylon – the scattering of the children of men over the face of all the earth. >> www.babelfestival.com

Excerpted from Nicolas Bouvier, Lob der Reiselust, Lenos Verlag, Basel 2013
© Lenos Verlag 2013


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