Cellules souches

Written in French by Philippe Rahmy

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Nous traversons un pont de portes battantes, à quatre pattes, aveugles, hurlant au noir vertical, rêvant du lit défait dont rêvent tous les clochards. Un certain besoin d’élégance, et surtout la recherche d’origines, nourrissent ce corps-à-corps intérieur, entre blés et lions, une étendue de poils fauve, ondulant à perte de vue sous les plastiques fluorescents d’avant l’orage, entre les doigts du gladiateur. Il y a les phrases qui façonnent et celles qui racontent. Les premières appellent la constance, les secondes le changement. Le langage définit ainsi deux manières de vivre : apprendre à obéir, ou apprendre à naître. Passé le cap de choisir, arrive la littérature dépourvue de fonction, et la solitude heureuse. Avec elles, la liberté de se tromper, comme celle de quitter l’humain pour l’animal.

Stéphane Dussel, 1351
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1351

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L’actualisation de l’impossible est dans l’ordre de la nature : ce qui ne peut arriver, se produit inévitablement, à un moment ou à un autre, ici ou ailleurs — écrire consiste donc à déblayer le terrain, de manière à favoriser ce miracle. Il s’avère qu’il n’y a aucun moyen de savoir si le langage est le lieu adéquat pour voir se produire ce qui ne peut avoir lieu.

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Nullité de la tentative qui prétendrait dépasser la description, nullité de la description. Ecrire ne se peut qu’en l’absence d’histoire. Il ne s’agit pas de raconter, mais d’occuper une position, et d’implanter des racines, ou des oeufs, sans considération pour l’idée de patrie, d’antériorité, de bon droit. Se précipiter sur chaque terre vierge à portée. Essaimer, ne plus exister en tant que personne, mais comme dispositif, essaim ou colonie. L’affirmation de soi disparaît au profit d’une obstination collective où les relations se nouent et se dénouent à la vitesse de l’éclair. Explosions d’écailles, horde filandreuse, étirée le long du fleuve dont la boucle brille au soleil ; il semble qu’un pouvoir opère encore, mais rien ne dit qu’il concerne les humains. Des milliards de sardines font un va-et-vient au large de l’Afrique australe, portées par un réflexe fossile qui les menait jadis très loin, vers le nord, lorsque les eaux glaciaires emplissaient les océans, mais qui les pousse désormais au-devant des courants chauds de l’équateur, contre lesquels elles rebondissent avant de faire demi-tour, livrées aux prédateurs, baleines, requins, dauphins, phoques, cormorans et toutes sortes de poissons tropicaux affamés. Comme ce banc innombrable, l’écriture perpétue l’éclosion de vies aberrantes et sacrifiées. Quelle que soit la langue, les mots parasitent un hôte aveugle sourd et muet, un mouvement sans corps, mais tangible comme le sexe. Surgi du fond des âges, ce vecteur pointe son épine sur les troupeaux agenouillés. Arrosé de beurre fondu, de blé cuit avec de la viande, il est couvert de mouches dont les yeux sont nos étoiles. Peu importe qu’on soit d’ici ou d’ailleurs, nos sacs sont vides et nos chèvres sont sèches à force de marcher. Nous nous sommes lavés dans la mort, mais le monstre ne laisse sortir personne.

Stéphane Dussel, 1232
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1232

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Rêve d’une position face à laquelle la mort, toujours extraordinairement condensée en un point sans épaisseur, ni direction, et d’un rayonnement tel qu’il anéantit toute résistance, serait soudain inopérante, neutralisée par le surgissement d’une force équivalente. Telle serait l’issue : l’état permanent de considérer l’impossible comme acqui, et d’agir en conséquence.

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Velours noir d’un vol de frelons, la parole renvoie au même, l’inhumain reste à conquérir.

Stéphane Dussel, 1463
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1463

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Il faut se retrancher pour conspirer contre le sort, tour, monastère, bunker. Face à un tel adversaire, rien de bon, c’est-à-dire d’utile au grand nombre, ne se produit hors du secret. Il existe deux types de blindages, selon qu’on privilégie une défense active ou passive. Les blindages réactifs tapissent la structure à défendre de petites charges explosives destinées à contrecarrer l’action des missiles qui explosent en surface, sans pénétrer l’habitacle. Les blindages composites enveloppent au contraire l’agresseur, alternant couches de métal et couches de plastique. Ce tissu balistique absorbe l’énergie cinétique de la charge qui se perd en rofondeur, ricochant indéfiniment entre ces plan comme e regard pris entre deux miroirs.

Stéphane Dussel, 1243
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1243

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En somme, devenir ce blindage, absolutisation et refus simultanés de la limite, un objet aussi terne que la poubelle sous l’évier, mais capable de découper la violence jusqu’à la plus petite unité de réel, comme l’atome qu’on accélère dans le vide, avant de le précipiter sur la cible contre laquelle il éclate, déchirant l’instant de spirales et de nombres, limitrophe, égaré, conquérant.

Published March 13, 2018
© Philippe Rahmy & Stéphane Dussel, Cellules souches, Mots tessons éditions 2009

Cellule staminali

Written in French by Philippe Rahmy


Translated into Italian by Monica Pavani

Attraversiamo un ponte di porte a doppio battente, a quattro zampe, ciechi, urlando al nero verticale, sognando il letto disfatto che è il sogno di tutti i barboni. Un certo bisogno di eleganza, e soprattutto la ricerca delle origini, alimentano quel corpo-a-corpo interiore, fra messi di grano e leoni, una distesa di pelo fulvo, ondeggiante a perdita d’occhio sotto la plastica fluorescente che precede il temporale, fra le dita del gladiatore. Ci sono frasi che plasmano e frasi che raccontano. Le prime fanno appello alla costanza, le seconde al cambiamento. Il linguaggio definisce così due modi di vivere: imparare a ubbidire o imparare a nascere. Superato lo scoglio della scelta, arrivano la letteratura priva di scopo, e la solitudine felice. Con esse, la libertà di sbagliare, come quella di abbandonare l’umano per l’animale.

Stéphane Dussel, 1351
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1351

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L’attualizzazione dell’impossibile rientra nell’ordine naturale delle cose: ciò che non può accadere, si produce inevitabilmente, in un momento o in un altro, qui o altrove. Dunque si scrive per sgomberare il terreno, in modo da incoraggiare questo miracolo. Non c’è modo di sapere se il linguaggio sia il luogo adeguato per assistere all’accadimento di ciò che non può avere luogo.

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Nullità del tentativo che avrebbe la pretesa di spingersi al di là della descrizione, nullità della descrizione. Scrivere è possibile solo in assenza di una storia. Non si tratta di raccontare, ma di occupare una posizione, e di impiantare radici, o uova, senza considerazione alcuna per l’idea di patria, di anteriorità, di diritto legittimo. Precipitarsi su ogni terra vergine raggiungibile. Disperdersi, non esistere più come persona, bensì come dispositivo, sciame o colonia. L’affermazione di sé scompare a vantaggio di una ostinazione collettiva in cui le relazioni si intessono e si vanificano alla velocità della luce. Esplosioni di squame, orde filamentose, sparpagliate lungo il fiume la cui ansa brilla al sole; evidentemente c’è ancora un potere in azione, ma nulla può confermare che attenga agli umani. Miliardi di sardine vanno e vengono al largo dell’Africa australe, richiamate da un riflesso fossile che un tempo le portava molto lontano, verso nord, quando le acque glaciali riempivano gli oceani, ma che ormai le spinge davanti alle correnti calde dell’equatore, contro le quali rimbalzano prima di fare un mezzo giro, abbandonate ai predatori: balene, squali, delfini, foche, cormorani e ogni sorta di pesci tropicali famelici. Come questo branco innumerevole, la scrittura perpetua lo schiudersi di vite aberranti e sacrificate. Qualunque sia la lingua, le parole parassitano un ospite cieco e sordomuto, un movimento senza corpo, ma tangibile come il sesso. Riesumato dall’alba dei tempi, questo vettore punta la sua spina sulle torme inginocchiate. Cosparso di burro fuso, di grano cotto con la carne, è coperto di mosche i cui occhi sono le nostre stelle. Poco importa che provenga da questo mondo o da un altro, i nostri sacchi sono vuoti e le nostre capre sono rinsecchite a furia di camminare. Noi ci siamo lavati nella morte, ma il mostro non lascia uscire nessuno.

Stéphane Dussel, 1232
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1232

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Sogno di una posizione di fronte alla quale la morte, sempre straordinariamente condensata in un punto senza spessore, né direzione, e di un ascendente tale da vanificare ogni resistenza, sarebbe d’un tratto inoperante, neutralizzata dall’insorgere di una forza equivalente. Possibile via di scampo: considerare sempre e comunque l’impossibile come dato di fatto, e agire di conseguenza.

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Velluto nero di un volo di calabroni, le parole sono mero rispecchiamento, il disumano resta da conquistare.

Stéphane Dussel, 1463
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1463

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Occorre trincerarsi per cospirare contro la sorte: torre, monastero, bunker. Davanti a un simile avversario, niente di buono, ovvero di utile per la moltitudine, si produce al di fuori del segreto. Esistono due tipi di blindaggio, a seconda che si intenda privilegiare una difesa attiva o passiva. Le corazze reattive tappezzano la struttura da difendere di piccole cariche esplosive destinate a contrastare l’azione dei missili che esplodono in superficie, senza penetrare nell’abitacolo. Le corazze composite al contrario ricoprono l’aggressore, alternando strati di metallo e strati di plastica. Questo tessuto balistico assorbe l’energia cinetica della carica che si perde in profondità, rimbalzando all’infinito fra queste piastre come lo sguardo catturato fra due specchi.

Stéphane Dussel, 1243
Stéphane Dussel, Cellules souches, 1243

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In sostanza, diventare questo blindaggio, assolutizzazione e rifiuto simultanei del limite, un oggetto altrettanto insignificante quanto il bidone della spazzatura sotto il lavello, ma capace di sminuzzare la violenza fino alla più piccola unità di reale, come l’atomo che viene fatto accelerare nel vuoto, prima di precipitarlo sul bersaglio contro il quale esplode, lacerando l’istante in spirali e numeri, prossimo, disperso, conquistatore.

Published March 13, 2018
© Philippe Rahmy & Stéphane Dussel, Cellules souches, Mots tessons éditions 2009
© Specimen 2018


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Specimen. The Babel Review of Translations e Suisse Pride dedicano all’autore recentemente scomparso un doppio ritratto a cura delle sue traduttrici Monica Pavani e Luciana Cisbani, che lo presentano a Milano domenica 25 marzo 2018 alle 16 nell’ambito di Book Pride (www.bookpride.net). Con il sostegno della Fondazione svizzera per la cultura Pro Helvetia.

Specimen. The Babel Review of Translations et Suisse Pride consacrent à l’écrivain récemment disparu un double Portrait, par ses deux traductrices Monica Pavani et Luciana Cisbani, qui viendront le présenter à Milan dimanche 25 mars 2018 à 16h dans le cadre du Book Pride (www.bookpride.net). Avec le soutien de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia.


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