From En attendant Heidi

Written in French by Isabel García Gómez

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Quand je me réveillai, l’après-midi semblait déjà bien entamé. Je me levai et m’approchai du garde-corps.

En bas, la piscine se remplissait avec nonchalance des corps reposés par la sieste. Les membres s’étiraient dans l’eau, les mouvements étaient encore lents, les vaguelettes ondoyaient souplement autour d’eux comme le plissement des draps qu’ils avaient laissés tantôt. Il faisait étonnamment chaud pour la saison. La fraîcheur de l’eau m’attirait, mais je n’avais pas envie de descendre. Je m’accoudai au garde-corps. J’aurais pu, de celui-ci, sauter dans la piscine, presque. Avec un élan suffisant mon corps se projetterait, survolerait la bande étroite de terrasse, fondrait en piqué, fendrait l’eau. Un frisson, peut-être, me prendrait au contact de la petite gifle fraîche qu’elle imprimerait sur mon corps. Mais peut-être qu’une fois dans les airs j’aurais envie de m’évader, alors je cambrerais mon dos, je repousserais l’air de la paume de mes pieds, et je monterais en d’amples battements d’ailes. Peut-être que je m’élèverais haut au-dessus de la piscine, de ses gens, puis de l’hôtel, puis du lac, puis des montagnes, libre je monterais vers le soleil, tel Icare, aventurier et têtu, vulnérable et inconscient. 

 

Tandis que je pensais à Icare, la femme que j’avais vue ce matin-là sur la terrasse entra dans mon champ de vision pour rejoindre la piscine. Elle marchait d’un pas prudent sur les dalles bordant la fosse, tâtant du pied le sol, n’en détachant l’un que lorsque l’autre avait assuré le contact, les bras légèrement détachés de son corps rond, mains ouvertes prudemment vers le sol. Mais alors qu’enfin ses deux pieds s’étaient réunis devant la petite échelle qui descendait dans la piscine, qu’un bras commençait de s’avancer vers la rampe, alors qu’enfin il s’était stabilisé, le corps se redressa d’un coup, comme soulevé par un hoquet. Brusquement la masse s’effondra, frappa le sol, puis se figea, bras et jambes écartés, la tête basculée sur le côté. Je l’enviai d’avoir chuté avec cette désinvolture de l’ignorance, quelques secondes plus tôt, de la possibilité même de la chute. La scène avait été très rapide et le silence, le silence des gestes autour d’elle, me parut infiniment long, avant que d’autres corps, émergeant de l’eau, d’un transat ou de la terrasse, accourent et encerclent le phénomène. Mais une voix devait avoir crié, cachée de ma vue et de mon ouïe, car soudain les corps se braquèrent et se déportèrent en arrière, ouvrant le cercle et laissant passage à un homme qui accourait. Je reconnus le mari. Qui se laissa choir aux côtés du corps éteint de sa femme, prit une main, tâta un pouls, porta son oreille à la bouche, écouta une respiration, releva la tête. Son regard balaya l’assemblée qui à présent se tenait prudemment en retrait. Il n’y trouva pas d’aide certainement, car il sortit un téléphone de sa poche, pianota dessus, le porta à son oreille, attendit, parla, le reposa au sol et se pencha à nouveau sur le corps, en souleva la tête, la reposa, en releva une jambe, puis l’autre, les allongea à nouveau, reprit la main, tâta le pouls, souleva encore la tête. J’aurais pu lui dire, de mon balcon, il m’aurait entendue, j’aurais pu lui dire d’arrêter de l’actionner comme une marionnette, qu’il allait finir par lui rompre la colonne vertébrale qui avait peut-être été endommagée par la chute. J’aurais pu lui dire, mais je ne le fis pas. Une main dans une poche, je roulais machinalement les perles du collier qui par hasard s’y trouvait. Je regardais la scène, comme un tableau, extérieure au drame : tout cela ne me regardait pas. 

 

Le mari continuait ses gesticulations, par mouvements désordonnés, mécaniques, pour meubler l’attente peut-être, l’attente de quoi. Je le sus assez vite (la rapidité des secours suisses) : venant du ciel une masse gigantesque et vibrante arrivait, battant le ciel de ses pales. Sur le corps affalé elle déposa lentement la couverture de son ombre : les jambes puis le ventre puis le buste, laissant la tête nue sous le soleil. A une dizaine de mètres au-dessus du corps, un hélicoptère rouge s’immobilisait, palpitant du mouvement rotatoire de son hélice, qui balayait de son souffle puissant les branches des arbres et agitait de vagues violentes la surface de la piscine. Les spectateurs, au sol, avaient reculé prudemment, le visage levé, une main sur la tête comme pour retenir leurs cheveux, fascinés par l’apparition, devenus indifférents au corps inerte dont les chairs aussi étaient balayées de vagues, et semblaient reprises de vie. Et c’était vrai, la vie était revenue, car éveillée peut-être par le vacarme de l’hélicoptère, la tête s’était redressée, et elle observait à présent, hagarde, l’engin formidable qui s’était figé au-dessus d’elle. Alors on vit sa porte s’ouvrir et un homme apparut. Ceinturé d’un harnais il s’assit au bord de la plate-forme, laissa pendre ses jambes puis, s’agrippant à un câble, se laissa couler vers le sol. Arrivé à côté du corps, il lui parla : il devait crier fort pour couvrir le bruit de l’hélicoptère car les muscles de son cou se gonflaient à chaque mouvement de la bouche. Il se pencha vers la tête de la femme pour écouter, peut-être entendit-il un son, des paroles, en tout cas il déploya au sol ce qui semblait être un harnais, il entreprit de le passer autour du corps, mais ce n’était pas une mince affaire car celui-ci n’aidait en rien son entreprise, bras et jambes toujours étalées : seule la tête battait de droite à gauche. Le mari vint aider et ensemble ils parvinrent à glisser le harnais sous le dos et derrière les épaules, le sauveteur ferma les boucles sur le ventre, tira sur les sangles. Puis il leva la tête vers le pilote et fit un hochement de la tête. 

Alors que le corps tiré par le câble commençait de se soulever du sol, je me rendis compte qu’en résonance de ces images se jouait en arrière-fond de mon esprit le début du Benedictus de la Missa Solemnis de Beethoven : indifférents au vacarme de l’hélicoptère, j’entendis les flûtes, les bassons, les alti et l’orgue frissonner ensemble de leur murmure sombre et ténu, puis se déployer de plus en plus amples et sonores, pour accueillir en leur sein la mystérieuse éclosion des flûtes et du violon solo réunis dans un même souffle séraphique. Pourquoi cette musique céleste, impalpable, s’insinua à ce moment dans ce tableau ?

 

En bas les têtes se levaient pour regarder la femme, ceinte de son gros porte-bébé rouge, monter dans les airs. L’eau miroitante de la piscine se reflétait sur les visages et les animait d’un souffle d’attente inquiète, peut-être secrètement désireuse, d’une chute du corps. Les regards se tendaient, fascinés par cette créature informe s’élevant de la terre, masse lourde aux membres inertes qui pendaient le long du corps, la tête renversée en arrière, animée seulement des secousses de la levée du treuil. Les bras s’ouvraient dans un geste d’abandon, paumes éployées vers le ciel. Devant mes yeux se déroulait une Assomption improbable, corps abandonné à une volonté supérieure, acteur aussi fortuit qu’indécent d’une scène majestueuse, irréelle. Dans ma tête le violon s’élevait encore et encore au-dessus du parterre recueilli, au-dessus de ces âmes soudain projetées dans une vision aussi mystique qu’elle était profondément grotesque. Dans le fracas des pales de l’hélicoptère, le corps se laissa happer par deux bras forts à l’intérieur de l’habitacle, la porte se ferma, et dans un élan soudain l’oiseau rouge s’envola et emporta son équipage. Haut, très haut, fragile et pure, d’une pureté tremblante, vibrante, à la justesse altérée, à la tonalité excédée, la voix du violon frisait les cieux. Et l’orchestre et les chœurs, après l’avoir de leurs voix chaudes et profondes entraîné dans sa sublimation, après l’avoir guidé et présenté au ciel, s’inquiétaient de le voir monter encore et encore, de sixte en sixte, petit Icare attiré par le soleil, reviens petit Icare, tu vas te brûler les ailes, mais il était loin, sa voix se faisait infime et impalpable, elle avait déjà quitté le monde terrestre. Au loin disparaissait l’hélicoptère, minuscule et frêle oiseau, que je suivis du regard jusqu’à ce qu’il devienne imperceptible, puis ne soit plus. Et la voix du violon s’éteignit. 

 

Une petite fille sauta dans l’eau. L’attroupement, faute de spectacle, finit de se dissoudre tout à fait. Alors, resté seul au bord du bassin, je vis Siegfried. Immobile, visage levé vers ma terrasse, son regard était fixé sur moi. Il me sembla qu’il hocha légèrement la tête, comme si lui, ou moi, ou les deux, avions un lien avec la scène que nous venions d’observer. Je revis sa main, un peu plus tôt, se poser sur le verre de la femme, et la mémoire de ce geste me troubla.

Published July 2, 2023
© Editions de l’Aire, 2022

From En attendant Heidi

Written in French by Isabel García Gómez


Translated into English by Michelle Bailat-Jones

When I woke, it seemed much of the afternoon had already passed. I got up and went over to the railing.

Below, bodies rested from their naps were filling up the pool at a leisurely pace. Arms and legs stretched out in the water, moving slow and steady, wavelets rippling gently around them like the wrinkling of freshly smoothed sheets. It was surprisingly hot for the season. The cool water was tempting, but I didn’t feel like going downstairs. I propped my elbows onto the railing. I could have jumped from it down into the water. Almost. With enough momentum my body would launch itself, crossing over the thin strip of terrace before tucking into a dive to split the water. A shiver, perhaps, would roll through me at the fresh slap of water against my body. But maybe once I was in the air, I’d want to take flight instead; I’d arch my back and push against the air with the flat of my feet, rising upward with broad wingbeats. Maybe I’d climb high above the pool and its swimmers, above the hotel, then above the lake and the mountains, free as a bird, I would climb up toward the sun, Icarus, adventurous and stubborn, vulnerable and oblivious. 

 

While I was thinking about Icarus, the woman I had seen that morning on the terrace came into my field of vision on her way to the pool. She was walking carefully on the tiles bordering the edge, testing each step as she went, only lifting one foot when the other was firmly planted, arms held slightly away from her round body, her open hands ready to meet the ground. But just when her two feet were finally placed together in front of the small ladder leading into the pool, just as one arm had started to reach for the handrail, had finally settled on it, the body suddenly straightened as if lifted by a hiccup. In an abrupt movement, the entire mass fell, hit the ground, completely rigid, arms and legs spread wide, head tipped to the side. I envied her for falling with such disregard for the obliviousness, a few seconds earlier, of the very possibility of the fall. It had all happened very quickly and then there was what felt like an infinitely long silence filled with all those silent gestures still moving around her, until other bodies, emerging from the water or from a deck chair on the terrace, started to run toward her, to encircle the event. But some voice – coming from someone I could neither see nor hear – must have cried out because suddenly the circular mass of bodies all froze and then stepped backward to let a man run through. I recognized the husband. He dropped to the ground beside his wife’s unmoving body, took up one hand, felt for a pulse, pressed his ear to her mouth, listened to a breath, raised up the head. His gaze swept across the crowd now standing cautiously at some distance. It seemed there was no help to be found there, because he took a telephone out of his pocket, tapped his finger across it, brought it to his ear, waited, spoke, placed it on the ground and leaned again over the body, raised up the head, pressed it back down, raised up one leg, then the other, stretched them out again, picked up the hand, felt for the pulse, raised the head again. I could have said something from my balcony, he would have heard me, I could have told him to stop moving her around like a puppet, that he would end up breaking the spinal cord that had perhaps been hurt in the fall. I could have told him, but I didn’t. One hand in a pocket, I was unconsciously rolling the pearls of a necklace that happened to be there. I was outside it all, like watching a scene: none of this had anything to do with me.

 

The husband kept making gestures, sloppy, robot-like, maybe just because it was something to do while waiting, waiting for what? I understood very quickly (Swiss emergency services are fast): a gigantic vibrating object arrived from above, beating the sky with its blades. The sprawled body was slowly covered with its blanketing shadow: legs then stomach then bust, the head was left bare to the sun. The red helicopter hovered about ten meters above the body, bobbing with the rotating whirl of its blades, its wind making the trees thrash and pushing violent waves across the surface of the pool. Everyone on the ground had wisely stepped back, faces tilted up, hands on their heads to hold back their hair, fascinated by this new arrival and no longer interested in the inert body whose flesh was now also rippling with waves and seemed to have regained life. And this was true, it was alive again, awakened perhaps by the roar of the helicopter, the head had lifted and was now watching, haggard, the impressive machine suspended over it. Just then the helicopter door opened, and a man appeared. Belted into a harness, he sat at the edge of the platform, let his legs drop and then holding onto a cable, he was spooled down to the ground. Once he was next to the body, he spoke to it: he must have had to yell to be heard over the sound of the helicopter because his neck muscles bulged each time his mouth opened. He leaned down to the woman’s head, maybe he heard a sound, or words, in any case he unfolded what appeared to be a harness, and began passing it around the body, but this wasn’t simple because the body wasn’t helping him at all, its legs and arms still spread wide: only the head was moving from left to right. The husband came to help and together they managed to slip the harness beneath the back and behind the shoulders, the rescuer closed the buckles over the stomach and pulled tight on the cords. Then he raised his head toward the pilot and nodded.

As the body attached to the cable began to rise from the ground, I realized that in my mind the beginning of Beethoven’s Benedictus from the Missa Solemnis was playing alongside the images: over the noise of the helicopter, I was hearing the flutes and bassoons, the violas and the organ thrumming together with their deep, sustained murmur, then open up, broader, wider, even louder, until that mysterious burst of flutes and the violin solo came together in one angelic breath. Why did such heavenly, intangible music slip into this moment in this scene?

 

The heads below were tipped upward to watch the woman rise into the air wrapped in her large, red baby carrier. The sparkling water of the pool was reflected in their faces, firing them up with a look of anxious expectation, perhaps secretly wishing for a falling body. Their gazes were tense, fascinated by the shapeless creature rising from the earth, a weighty blob with lifeless arms and legs that dangled beside the body, head tipped backward, alive with only the upward stuttering of the winch. The arms were open in a gesture of abandon, palms wide and facing the sky. An improbable Assumption was taking place before me, the body offered up to a higher desire in a performance as accidental as it was indecent in such a majestic, unreal scene. In my head, the violin kept soaring higher and higher over the gathering on the lawn, over all these souls suddenly projected into a vision as mystical as it was deeply grotesque. Amidst the ruckus of the helicopter blades, the body was snatched by two strong arms and pulled into the machine, the door closed, and with a sudden jump the red bird flew off with its cargo. High, so high, fragile and pure, a purity that trembled, hummed, its tune and tone corrupted, excessive, the violin serenaded the heavens. And once the warm, deep voices of the orchestra and choirs had brought about its transformation, had guided it and offered it to the sky, they were now anxious to see it still rising, ever higher, in leaps of sixths, tiny Icarus charmed by the sun, come back little Icarus, you are going to burn your wings, but the violin was so far away, its song rendered weak and unclear, already gone from the earth. The helicopter was growing smaller and smaller, a tiny, fragile bird; I followed it with my eyes until I could hardly see it, until it vanished. And the violin fell silent. 

 

A little girl jumped into the water. Having lost its spectacle, the crowd dispersed. And then, now alone at the edge of the pool: Siegfried. Motionless, face tipped toward my balcony, he was staring straight at me. It seemed he slightly nodded his head, as if he, or I, or both of us, were connected somehow to what we’d just witnessed. I remembered seeing his hand, a little earlier, touch the woman’s glass, and the memory of this gesture troubled me.

Published July 2, 2023
© Specimen

From En attendant Heidi

Written in French by Isabel García Gómez


Translated into Italian by Giada Monaco

Quando mi risvegliai, il pomeriggio sembrava ormai ben inoltrato. Mi alzai e mi avvicinai alla ringhiera.

Di sotto, la piscina si riempiva pigramente di corpi ristorati dalla siesta. Le membra si allungavano nell’acqua, i movimenti erano ancora lenti, le onde si increspavano intorno a loro come le pieghe delle lenzuola su cui erano posate fino a poco prima. Faceva incredibilmente caldo per la stagione. La freschezza dell’acqua mi attirava, ma non volevo scendere. Mi appoggiai alla ringhiera. Con uno slancio sufficiente il mio corpo si sarebbe proiettato oltre la stretta lingua di balcone, sorvolandola e fiondandosi in picchiata fino a fendere l’acqua. E forse, al suo contatto, la breve schiaffata fresca mi avrebbe impresso un brivido su tutto il corpo. Ma può anche darsi che, una volta spiccato il volo, avrei avuto voglia di evadere, e allora avrei inarcato la schiena e, spingendo l’aria con la pianta dei piedi, mi sarei librata con un ampio battito d’ali. Forse avrei sorvolato dall’alto la piscina, la sua gente, poi l’albergo, poi il lago, poi le montagne, libera di salire verso il sole, come Icaro, avventuriero e testardo, vulnerabile e incosciente.

 

Mentre pensavo a Icaro, la donna che avevo visto quella mattina sulla terrazza entrò nel mio campo visivo per raggiungere la piscina. Camminava con passo prudente sulle piastrelle a bordovasca, tastandone la superficie con i piedi, facendo attenzione a non staccarne uno finché l’altro non fosse ben saldo al suolo, le braccia leggermente distanti dal corpo rotondo, le mani bene aperte verso terra. Ma quando finalmente i piedi si riunirono davanti alla scaletta che scendeva in acqua, quando un braccio iniziò ad allungarsi verso la rampa, quando finalmente parve trovare la sua stabilità, il corpo si sollevò di scatto, come in preda a un singhiozzo. Un istante dopo, si accasciò a terra e rimase immobile, braccia e gambe divaricate, la testa inclinata di lato. La invidiai per essere caduta con la disinvoltura di chi ignorava, fino a pochi secondi prima, la possibilità stessa di cadere. Era successo tutto in pochi istanti e il silenzio, il silenzio dei gesti attorno a lei, mi parve durare all’infinito, prima che altri corpi, emergendo dall’acqua, da una sdraio o dalla terrazza, accorressero e circondassero la scena. Ma una voce doveva aver gridato, nascosta alla mia vista e al mio udito, perché improvvisamente i corpi si girarono e arretrarono, aprendo il cerchio e lasciando spazio a un uomo che accorreva. Lo riconobbi: era il marito. Quest’ultimo si lasciò cadere accanto al corpo immobile della moglie, prese una mano, tastò il polso, accostò l’orecchio alla bocca, sentì il respiro, alzò la testa. Il suo sguardo percorse tutta la folla, che nel frattempo era prudentemente indietreggiata. Di certo non vi trovò aiuto, perché tirò fuori dalla tasca un telefono, digitò un numero, lo avvicinò all’orecchio, attese, parlò, lo abbassò e si chinò nuovamente sul corpo, le sollevò la testa, la reclinò, sollevò una gamba, poi l’altra, le distese di nuovo, riprese la mano, sentì il polso, sollevò ancora la testa. Avrei potuto dirgli, dal mio balcone, mi avrebbe sentito, avrei potuto dirgli di smetterla di muoverla come una marionetta, che avrebbe finito per romperle la colonna vertebrale che forse era stata danneggiata dalla caduta. Avrei potuto dirglielo, ma non lo feci. Con una mano in tasca, giocherellavo con le perle della collana che per caso era lì. Assistevo alla scena come di fronte a un quadro, fuori dal dramma: tutto ciò non mi riguardava.

 

Il marito continuava a gesticolare, con movimenti disordinati, meccanici, forse per riempire l’attesa, ma l’attesa di cosa. Lo capii piuttosto in fretta (la rapidità dei soccorsi svizzeri): dal cielo si stava avvicinando una massa gigantesca e vibrante, che frullava l’aria con le sue pale. A poco a poco la sua ombra sovrastò il corpo accasciato: le gambe poi il ventre poi il busto, lasciando al sole solo il capo scoperto. Ora, a una decina di metri di altezza dal corpo, si ergeva sospeso un elicottero rosso, che palpitava per via del moto rotatorio dell’elica, il cui soffio potente spazzolava i rami degli alberi e agitava con onde violente la superficie della piscina. Gli spettatori, a terra, si erano allontanati cautamente, il volto levato, una mano sulla testa come a trattenersi i capelli, affascinati dall’apparizione, ormai indifferenti al corpo inerte la cui carne, anch’essa spazzolata dalle onde, sembrava tornare in vita. Ed era proprio così, la vita era tornata perché, forse risvegliata dal frastuono dell’elicottero, la donna aveva rialzato la testa e adesso osservava con aria smarrita il gigantesco velivolo che si era materializzato sopra di lei. Fu allora che si aprì il portellone e apparve un uomo. Assicurato a un’imbracatura, si sedette sul bordo della pedana con le gambe a penzoloni e poi, agganciato a un cavo, si lasciò calare a terra. Giunto accanto al corpo, le parlò: doveva sicuramente urlare a squarciagola per sovrastare il rumore dell’elicottero perché i muscoli del collo gli si gonfiavano a ogni movimento della bocca. Si avvicinò alla testa della donna per ascoltare, forse sentì un suono, delle parole, in ogni caso dispose a terra quella che sembrava un’altra imbracatura e cominciò a passargliela intorno al corpo, ma non era un’impresa facile perché quest’ultimo non si aiutava per niente, con braccia e gambe ancora stese e immobili e solo la testa che si agitava a destra e a manca. Il marito accorse in aiuto e insieme riuscirono a farle scorrere l’imbracatura sotto la schiena e dietro le spalle; il soccorritore chiuse poi le fibbie sul ventre e tirò le cinghie. Infine alzò lo sguardo verso il pilota e gli fece un cenno del capo.

Non appena il corpo issato dal cavo cominciò a sollevarsi da terra, mi accorsi che a fare da eco a quelle immagini aveva cominciato a risuonare nella mia mente, in sottofondo, l’inizio del Benedictus dalla Missa Solemnis di Beethoven: indifferenti al frastuono dell’elicottero, sentivo i flauti, i fagotti, gli alti e l’organo fremere insieme in un cupo e tenue mormorio, per poi dispiegarsi con suoni sempre più alti e sonori, fino ad accogliere al loro interno la misteriosa fioritura dei flauti e del violino solista riuniti in un unico serafico respiro. Perché questa musica celestiale, impalpabile, si era insinuata in quel quadro proprio in quel momento?

 

Dabbasso le teste erano tutte rivolte in alto, verso la donna sospesa, ben stretta nel suo grande marsupio portabebè rosso. L’acqua scintillante della piscina si rifletteva sui volti e li animava di un fremito d’attesa irrequieta, forse segretamente desiderosa, di un’eventuale caduta del corpo. Gli sguardi erano tesi, affascinati da quella creatura informe che levitava da terra, massa pesante dalle membra inerti che pendevano lungo il corpo, il capo rovesciato all’indietro, animato solo dai sobbalzi causati dal movimento del verricello. Le braccia si aprirono in un gesto di abbandono, i palmi rivolti al cielo. Davanti ai miei occhi si compieva un’improbabile Assunzione, un corpo abbandonato a una volontà superiore, protagonista tanto fortuito quanto indecente di una scena maestosa, irreale. Nella mia testa, il violino saliva ancora e ancora al di sopra della platea riunita, al di sopra di queste anime all’improvviso proiettate in una visione così mistica da diventare profondamente grottesca. Nel fragore delle pale dell’elicottero, il corpo fu afferrato da due braccia forti e portato all’interno del velivolo. Il portellone si richiuse e con uno slancio inatteso l’uccello rosso volò via portando con sé il suo equipaggio. Alta, molto alta, fragile e pura, di una purezza tremolante e vibrante, alterata alla perfezione, raggiungendo una tonalità esasperata, la voce del violino sfiorò il cielo. E l’orchestra e i cori, dopo avere accompagnato il violino nella sua sublimazione con le loro voci calde e profonde, dopo averlo guidato e presentato al cielo, si preoccuparono nel vederlo salire ancora e ancora, di sesta in sesta, piccolo Icaro attratto dal sole, torna indietro piccolo Icaro, ti brucerai le ali, ma lui era lontano, la sua voce era divenuta flebile e impalpabile, aveva già lasciato il mondo terreno. E così scomparve in lontananza l’elicottero, uccellino minuscolo e fragile, che il mio sguardo seguì finché non divenne impercettibile, poi svanì. E la voce del violino si spense.

 

Una bambina si tuffò in acqua. La folla, come succede a fine spettacolo, finì per dissolversi del tutto. Allora, rimasto da solo a bordovasca, vidi Siegfried. Immobile, il viso levato verso il mio balcone, gli occhi fissi su di me. Sembrò annuire leggermente, come se lui, o io, o entrambi, avessimo un qualche tipo di legame con la scena a cui avevamo appena assistito. Rividi la sua mano, poco prima, posarsi sul bicchiere della donna, e il ricordo di quel gesto mi turbò.

Published July 2, 2023
© Specimen


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