Les plis dans la couverture

Written in French by Fabienne Radi

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Entre 20 et 24 ans j’ai passé beaucoup de temps à regarder des cailloux. J’essayais régulièrement de les casser avec un objet contondant, de les tremper dans de l’acide, de les brûler avec un briquet, de les griffer avec un bout de verre  ou même de leur cracher dessus.  Ces sévices n’avaient rien à voir avec une quelconque animosité mal placée envers les minéraux mais s’inséraient de façon très banale dans le cadre de mes études en géologie. Traiter ainsi les pierres est un moyen de les identifier et de les classer selon leurs caractères chimiques et structuraux. Ça fait partie de ce qu’on appelle la pétrographie.

Le département des Sciences de la Terre de l’université que je fréquentais était situé en périphérie de la ville dans un grand bâtiment fin 19ème tout en molasse. On y trouvait des biologistes au rez-de-chaussée, des géographes au premier étage, des géologues au troisième, et les archives des trois facultés réunies dans les combles. Sur tout le deuxième étage on avait coincé au chausse-pied le Musée d’Histoire naturelle de la Ville, dont le stock gigantesque d’animaux empaillés toutes espèces confondues – de la baleine au colibri en passant par le tapir – semblait déborder par les fenêtres, les portes, les escaliers et jusque dans les WC où quelqu’un avait installé au-dessus de l’essuie-mains une vieille chouette toute tordue qu’un taxidermiste avait dû recoudre avec des gants de boxe, ce qui faisait pousser des cris d’orfraie aux enfants des classes qui venaient visiter le Musée lorsqu’ils devaient aller soulager leur vessie et se retrouvaient face à cette drôle de bestiole au moment de se laver les mains. Pile au milieu du bâtiment, le deuxième étage ressemblait à une espèce d’Arche de Noé pleine d’animaux morts prise en sandwich entre deux couches d’étudiants bien vivants.

Tout ce petit monde se croisait beaucoup dans les escaliers et devant la machine à café située au rez-de-chaussée, juste à côté de l’ascenseur éternellement en panne. J’imagine qu’un employé administratif de l’université avait dû proposer de caser les géologues au dernier étage pour des raisons pratiques : « Quand on passe son temps à crapahuter dans les Alpes comme des chamois pour trouver des filons d’ophiolites, c’est sûr qu’on a les cuisses suffisamment en béton pour se taper trois étages sans ascenseur !» avait dû déclarer en 1923 pour couper court aux tergiversations d’une réunion communale interminable un cadre fatigué d’étudier les différentes possibilités d’affectation du bâtiment.  Mais si ça se trouve, il n’y avait même pas d’ascenseur à l’époque.

Les étudiants en géologie transpiraient beaucoup. D’abord ils devaient se farcir ces fichus escaliers plusieurs fois par jour, deux cent seize marches tout de même. Ensuite ils avaient cours dans une salle qui était une véritable étuve. Orienté plein sud avec des fenêtres larges comme des triceratops, équipé de pupitres et de banquettes en bois blond recouverts d’inscriptions plus ou moins salaces taillées au couteau suisse, l’amphi de géologie avait tout d’un sauna, sauf que l’on ne pouvait décemment pas y apprendre la genèse des minéraux à poil avec une serviette sous les fesses, ni aller se rouler dans la neige entre deux dessins de fossiles du Crétacé supérieur. Enfin la panoplie-type de l’étudiant en géologie – chemise à carreaux en flanelle et pantalon en coton épais, tous deux pourvus d’un maximum de poches pour planquer tout un tas de matériel (marteau, loupe, canif, cartes, boussole, carnet de notes), chaussures de marche à semelles profilées pour ne pas déguiller sur les sentiers escarpés et grosses chaussettes en laine tricotées main pour éviter les ampoules – cette tenue donc, aussi unisexe que multi-saisons mais plus difficilement glamour, n’était pas idéale pour supporter des températures dépassant les 20 degrés, ce qui était tout de même le cas une bonne partie de l’année dans cette salle hyper ensoleillée. Bref, le système de sudation des apprentis géologues était soumis à rude épreuve, ceci expliquant peut-être en partie leur penchant pour les bières qu’ils allaient à tout bout de champ chercher au distributeur de boissons trois étages plus bas avant de remonter quatre à quatre les escaliers, augmentant encore le travail de leurs glandes sudoripares planquées sous les chemises de flanelle et les pantalons en gros coton qui pompaient, pompaient le liquide thermorégulateur des étudiants. Autant dire que ça fouettait.

C’est dans cette atmosphère assez étouffante que j’ai connu une espèce de syndrome de Stendhal spécial géologie. Cette chose s’est passée un jeudi après-midi entre 14h et 15h pendant un cours intitulé Vers un modèle orogénique alpin / Etudiants année 1. Le professeur ressemblait à un guide de montagne des années 50 dans un bulletin du Club Alpin. Beauté sportive x authenticité locale. Une sorte de Paul Newman avec l’accent vaudois. Il portait en permanence des pantalons knickers en velours côtelé et était père de quatre jeunes enfants turbulents qu’il amenait parfois le mercredi après-midi au secrétariat de géologie, ce qui provoquait les gloussements des secrétaires même pas primipares et les exclamations un peu ridicules des assistants qui essayaient de charmer les bambins à coups de La petite bête qui monte qui monte qui monte avec une ammonite toute biscornue, espérant ainsi secrètement s’attirer les bonnes grâces du père qui était aussi le patron du Département.

Le faux guide du Club Alpin roulait dans un vieux Break Volvo rouge bordeaux.  Amoureux des roches magmatiques, il avait collé à l’Araldite quelques cristaux sur le tableau de bord juste au-dessus de la boîte à gants. Au début ça faisait toujours sourire les nouveaux étudiants, jusqu’à ce que ceux-ci montent pour la première fois sur le siège passager de la voiture à l’occasion d’une excursion. La perspective de s’écraser la face sur les arêtes aiguisées d’un quartz Gwindel en cas de freinage d’urgence devenait alors une angoisse qui ne les quittait plus de tout le trajet. Monter dans la Volvo équivalait d’autant plus à une roulette russe que le Paul Newman vaudois conduisait comme une savate.  Mais il avait d’autres très grandes qualités. Notamment celle de savoir raconter l’histoire de la formation des Alpes d’une manière plutôt incongrue.

Ce fameux jeudi après-midi Paul Newman est arrivé en retard. Quand il est entré dans la salle, il avait un drôle de masse brune sous le bras qui s’est avéré être un lot d’anciennes couvertures militaires de l’armée suisse. Celles avec des bordures surpiquées et deux bandes rouges à croix blanche à chaque extrémité. Aujourd’hui elles coûtent une petite fortune et on les trouve dans les magazines déco les plus chics, jetées avec une négligence très calculée sur des canapés en cuir design. Mais à l’époque personne n’en voulait parce qu’elles étaient lourdes et qu’elles grattaient. Le prof a déplié les couvertures sur la grande table en bois devant le tableau noir en les superposant méticuleusement les unes sur les autres. On aurait dit un plat de lasagnes géant prêt à être enfourné. Puis il a ouvert son sac à dos et en a sorti un grand ciseau de jardinage qu’il a lentement soulevé au-dessus de sa tête.

On a vu alors le charmant Paul Newman se transformer en un Charlton Heston exalté dans le rôle de Moïse brandissant son bâton devant la Mer Rouge. Ses yeux bleus se sont allumés comme des phares dans la nuit tandis que ses grandes mains plongeaient sur les couvertures militaires avec le ciseau. On a compris que celles-ci n’allaient pas être épargnées. Il  s’est mis à les froisser, les plisser, les écraser, les découper, les ramasser, les basculer, les entailler, les tordre, les soulever, les étirer, les décaler, les comprimer, les renverser, ceci par tous les bouts et dans tous les sens et de toutes les façons et sans jamais s’arrêter, ça faisait un immense tornade faite de bras et de mains et de cheveux et de chemises à carreaux d’où sortaient des chapelets d’onomatopées entrecoupées de bribes de discours géologiques :

SCRATCH ! Remontée de l’asthénosphère et naissance de l’océan alpin !  BLAM ! Apparition de la croûte océanique  et dépôt des sédiments postrift ! PLOUF ! Subduction de la croûte océanique du côté de la plaque africaine ! CRAC ! Collision avec plis, failles et nappes de charriage ! VLAOUF ! Chevauchement pennique crustal juxtaposant les unités internes métamorphiques sur les massifs cristallins externes !  PLAF ! Formation du sillon mollassique périalpin avec affaissement de la croûte !

Et ainsi de suite pendant dix bonnes minutes durant lesquelles nous avons vu trente-quatre millions d’années défiler en accéléré et sept couvertures militaires se transformer en chaînes de montagnes  dans une chorégraphie virtuose pour mains et ciseaux. C’était vertigineux et étourdissant et éblouissant et ça s’est gravé dans nos cerveaux à tout jamais. Du moins dans le mien.

Puis Paul Newman-devenu-Charlton-Heston s’est arrêté d’un coup. Il a tourné lentement autour de la chaîne alpine 100% laine vierge qu’il venait d’ériger comme une pièce montée, a grimpé dans l’hémicycle au milieu des étudiants qui n’osaient toujours pas bouger et a regardé en silence son œuvre depuis là-haut en se tenant le menton. Il était tout échevelé mais très calme et ne ressemblait plus du tout à Paul Newman ni à Charlton Heston. C’était Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich.

Tout le monde était bouche bée devant le final de ce numéro spatio-temporel qui tenait à la fois de la science, de la magie, du burlesque et de l’art.  Puis la cloche a sonné, le prof est redevenu Paul Newman et a rangé le ciseau dans son sac à dos avant de nous rappeler de ne pas oublier nos compas pour dessiner les pendages au prochain cours de stratigraphie. Du coup on a repris nos esprits. L’assistant de minéralogie est entré, il a fait un petit geste de la main pour s’éventer tout en levant les yeux au ciel, puis il est venu nettoyer le tableau noir et débarrasser les couvertures comme si de rien n’était. Le taux d’humidité dans la salle devait friser les 80%.

Published December 13, 2017
© Fabienne Radi 2017

Falten in der Decke

Written in French by Fabienne Radi


Translated into German by Christoph Roeber 

Zwischen 20 und 24 habe ich viel Zeit mit Steinen verbracht. Ich versuchte sie in regelmäßigen Abständen mit einem stumpfen Gegenstand zu zertrümmern, in Säure einzulegen, mit einem Feuerzeug anzuzünden, mit einer Glasscherbe anzuritzen, ja sogar auf sie zu spucken. Diese Misshandlungen rührten aber nicht etwa von einer fehlgeleiteten Feindseligkeit gegenüber Mineralien her, sondern fügten sich, ganz banal, in mein Geologiestudium ein. Damit lassen sich die Steine identifizieren und nach ihren chemischen und strukturellen Eigenschaften klassifizieren. Sie ist Teil der sogenannten Petrographie.

Die Fakultät Erdwissenschaften der Universität, an der ich damals studierte, befand sich in den Außenbezirken der Stadt in einem großen Molassegebäude aus dem späten 19. Jahrhundert. Darin saßen die Biologen im Erdgeschoss, die Geographen im ersten Stock, die Geologen im dritten und die Archive der drei Fakultäten vereint unter dem Dach. In den zweiten Stock hatte man das Städtische Naturkundemuseum gezwängt, dessen riesiger Bestand an ausgestopften Tieren aller Art – vom Wal über den Tapir zum Kolibri – aus den Fenstern, den Türen, den Treppen und sogar bis in die Toiletten zu quellen schien, wo jemand eine gekrümmte alte Eule auf den Papiertuchspender gestellt hatte, die ein Taxidermist wohl mit Boxhandschuhen geflickt hatte, was die Schulkinder auf Besuch im Museum regelmäßig gellend aufschreien ließ, wenn sie sich nach dem Pinkeln beim Händewaschen diesem merkwürdigen Biest gegenübersahen. So mittendrin im Gebäude ähnelte der zweite Stock einer Arche Noah toter Tiere, die zwischen zwei Schichten mopsfideler Studenten eingeklemmt war.

Diese kleine Welt begegnete sich häufig auf den Treppen und vor der Kaffeemaschine, die sich im Erdgeschoss, gleich neben dem ewig defekten Aufzug, befand. Ich nehme an, irgendein Verwaltungsbeamter der Universität hatte aus praktischen Erwägungen vorgeschlagen, die Geologen im obersten Stock unterzubringen: „Wenn man ständig wie Gämsen in den Alpen herumkraxelt, um Ophiolit-Flöze aufzuspüren, dann wird man wohl auch die Waden für drei Etagen ohne Aufzug haben!“, verkündete 1923 sicher irgendein Kader, um dem Herumeiern einer endlosen Kommunalversammlung ein schmerzvolles, aber kurzes Ende zu machen, als er das beflissene Durchspielen möglicher Verwendungen des Gebäudes leid war. Denkbar ist aber auch, dass es damals noch gar keinen Aufzug gab.

Die Geologiestudenten schwitzten sehr. Zum einen mussten sie mehrmals täglich diese verfluchten Treppen hoch, immerhin zweihundertsechzehn Stufen. Außerdem hatten sie in einem regelrechten Schwitzbad Unterricht. Der Raum ging nach Süden, hatte große Fenster wie ein Triceratops, dazu Pulte und kleine Bänke aus hellem Holz, die mit mehr oder weniger anzüglichen Sprüchen übersät waren, eingeritzt mit einem Schweizer Taschenmesser – der amphitheatrale Vorlesungssaal der Geologie hatte alle Bestandteile einer Sauna, nur konnte man, aus Gründen der Schicklichkeit, die Gesteinsbildung ja schlecht nackt mit einem Handtuch unter sich durchnehmen, und ebenso wenig konnte man sich zwischen zwei Abbildungen von Fossilien aus der Oberkreide im Schnee wälzen. Der Nullachtfünfzehn-Geologiestudent – kariertes Flanellhemd und robuste Baumwollhosen mit einem Maximum an Taschen für das viele Material (Hammer, Lupe, Taschenmesser, Karten, Kompass, Notizheft), Wanderschuhe mit Profil gegen das Abrutschen auf abschüssigen Wegen und große selbstgestrickte Wollsocken gegen Blasen – diese Montur mit überschaubarem Glamourfaktor, dafür aber unisex und für jede Jahreszeit, ist nicht gerade ideal, wenn es Temperaturen von mehr als 20 Grad durchzustehen gilt, was in diesem überbesonnten Raum die meiste Zeit des Jahres der Fall war. Der Schwitzmechanismus der Geologiestudis sah sich einer schweren Prüfung ausgesetzt, wodurch sich vielleicht teilweise deren Hang zum Bier erklärt, das sie am laufenden Band am Getränkeautomaten drei Etagen tiefer holen gingen, bevor sie grüppchenweise die Treppen wieder hochächzten, was die Aktivität ihrer Schweißdrüsen unter den Flanellhemden und Baumwollhosen weiter erhöhte, denn die sogen die wärmeregulierende Studentensuppe nämlich auf. Der langen Rede kurzer Sinn: Es miefte.

Und in dieser erdrückenden Atmosphäre habe ich mit einer Art Geologie-Special des Stendhal-Syndroms Bekanntschaft gemacht. Es war an einem Donnerstagnachmittag zwischen 14 und 15 Uhr in einem Kurs mit dem Titel Das orogenetische Alpenmodell / 1. Studienjahr. Der Professor sah aus wie ein Bergführer aus den Fünfzigern in einem Jahrbuch des Alpinclubs. Sportschönheit x Lokalkolorit. Eine Art Paul Newman mit Waadtland-Akzent. Er trug ständig so knielange Cordhosen und hatte vier lebhafte Kinder, die er bisweilen mittwochnachmittags ins Geologie-Sekretariat mitbrachte, was selbst die Sekretärinnen mit mehreren Kindern freudig jauchzen ließ und für etwas lächerliche Ausrufe bei den Assistenten sorgte, die die Steppken zum Takt eines Kinderlieds mit einem unförmigen Ammonit zu verzaubern suchten und insgeheim hofften, die Gunst des Vaters zu erwerben, der zugleich Direktor des Instituts war.

Der falsche Bergführer des Alpinclubs fuhr einen bordeauxroten Volvo Kombi. Als Liebhaber magmatischen Gesteins hatte er direkt über dem Handschuhfach ein paar Kristalle auf das Armaturenbrett geklebt. Anfangs lächelten die neuen Studenten darüber, bis sie sich für eine Exkursion zum ersten Mal auf den Beifahrersitz setzten. Die Aussicht, dass einem die spitzen Grate eines Quarzgwindel bei einer plötzlichen Vollbremsung das Gesicht entstellten, erzeugte irgendwann eine Angst, die sie die ganze Fahrt über nicht mehr losließ. In diesen Volvo einzusteigen glich umso mehr einem russischen Roulette, als der waadtländische Paul Newman ziemlich ungeschickt fuhr. Aber er hatte andere Qualitäten. Zum Beispiel konnte er die Geschichte der Alpenbildung auf recht unkonventionelle Art und Weise erzählen.

An diesem berüchtigten Donnerstagnachmittag war Paul Newman zu spät. Als er in den Vorlesungssaal kam, hatte er eine komische braune Masse unterm Arm, die, wie sich herausstellte, ein Bündel alter Militärdecken der Schweizer Armee war. Die mit der Ziernaht und den zwei roten Streifen mit jeweils einem weißen Kreuz an den Enden. Die kosten heute ein kleines Vermögen und man findet sie in den schicksten Deko-Magazinen, wo sie mit kalkulierter Nonchalance über die ledernen Designsofas hingebreitet liegen. Damals waren sie unbeliebt, weil sie so schwer waren und kratzten. Der Prof schlug die Decken auf dem großen Holztisch vor der Tafel auf und legte sie gewissenhaft übereinander. Eine riesige Lasagne, bereit für den Ofen. Dann machte er seinen Rucksack auf und holte eine große Gartenschere heraus, die er langsam über seinen Kopf hob.

So also verwandelte sich vor unseren Augen der charmante Paul Newman in einen feurigen Charlton Heston in der Rolle des Moses, der vor dem Roten Meer drohend seinen Stab erhebt. Seine blauen Augen blitzten auf wie Lichttürme in der Nacht, während seine großen Hände sich mit der Schere in die Decken wühlten. Da kriegten wir mit, dass die nicht verschont bleiben würden. Er zerknitterte, er faltete, drückte flach, schnitt entzwei, türmte auf, ließ zusammensinken, schnippelte an, verdrillte, hob hoch, zog auseinander, schob weg, presste zusammen, pflügte um, und zwar an allen Ecken und Enden, in alle Richtungen und auf jede mögliche Art und Weise, ununterbrochen. Ein riesiger Wirbelsturm aus Armen und Händen und Haaren und Karohemd, aus dem abwechselnd Lautmalereien und Brocken geologischer Erläuterung hervorschossen:

KRACK! Aufstieg der Asthenosphäre und Entstehung des alpinen Ozeans! RUMS! Ausbreitung der ozeanischen Kruste und Ablagerung von Postriftsedimenten! BLUBB! Subduktion der ozeanischen Kruste unter die afrikanische Platte! BUMS! Kollision mit Falten, Verwerfungen und Deckenüberschiebungen. RITSCH! Frontale Penninische Überschiebung schiebt interne metamorphe Einheiten neben externe kristalline Massive! RATSCH! Absenkung der Erdkruste und Bildung des Molassebeckens am Alpenrand!

Und so weitere zehn Minuten lang, in denen wir – in einer virtuosen Choreographie mit Händen und Scheren – vierunddreißig Millionen Jahre im Schnelldurchlauf vorbeiziehen und sieben Militärdecken sich in Gebirgsketten verwandeln sahen. Das war schwindelerregend und überwältigend und mitreißend und brannte sich uns für alle Ewigkeiten ins Hirn. Also zumindest bei mir.

Dann hörte der Charlton Heston gewordene Paul Newman plötzlich auf. Er ging einmal behutsam um die Alpenkette aus 100 % Schurwolle herum, die er in seinem Schauspiel errichtet hatte, stieg ins Halbrund mitten unter die Studenten, die sich immer noch nicht rührten, und besah sein Werk schweigend von dort oben, die Hand unter dem Kinn. Er war ganz zerzaust, aber sehr ruhig und ähnelte nun weder Paul Newman noch Charlton Heston. Er war Caspar David Friedrichs Wanderer über dem Nebelmeer.

Alle waren baff ob des Finales dieser raumzeitlichen Nummer, die etwas von Wissenschaft, Magie, Burleske und Kunst zugleich hatte. Dann klingelte es, der Prof wurde wieder Paul Newman und räumte die Schere in seinen Rucksack, bevor er uns daran erinnerte, für das Streichen zur nächsten Stratigraphiestunde unseren Zirkel mitzubringen. So kamen wir wieder zu uns. Der Mineralogie-Assistent trat ein, fächelte sich Luft zu und hob den Blick zum Himmel. Dann wischte er die Tafel ab und räumte die Decken weg, als ob nichts gewesen wäre. Der Feuchtigkeitsgehalt muss so bei 80 % gelegen haben.

Published December 13, 2017
© 2017 Fabienne Radi
© 2017 Specimen

Le pieghe nella coperta

Written in French by Fabienne Radi


Translated into Italian by Vanni Bianconi

Tra i 20 e i 24 anni passavo il tempo a guardare i sassi. Ho cercato ripetutamente di spezzarli con oggetti contundenti, di immergerli nell’acido, di bruciarli con l’accendino, di graffiarli con schegge di vetro, e perfino di sputargli addosso. Simili pratiche non avevano niente a che vedere con un’immotivata idiosincrasia per i minerali ma si inserivano in modo assai banale nel quadro dei miei studi di geologia. Trattare così le pietre permette di identificarle e classificarle in base a caratteristiche chimiche e strutturali. Fa parte di ciò che si chiama petrografia.

Il dipartimento di Scienze della Terra dell’università che frequentavo era situato alla periferia della città in un grande edificio fine ’800 tutto in molassa. Ci si trovavano biologi al pianterreno, geografi al primo piano, geologi al terzo, e gli archivi delle tre facoltà riuniti nel sottotetto. Al secondo piano era stato infilato l’intero Museo di Storia naturale della Città, la cui gigantesca collezione di animali impagliati di ogni stazza e ogni specie – dalla balena al colibrì passando per il tapiro – sembrava straripare dalle finestre, dalle porte, dalle scale e perfino dai bagni dove, proprio accanto all’asciugamano, qualcuno aveva pensato bene di collocare una vecchia civetta contorta che il tassidermista doveva aver ricucito coi guantoni da boxe, e che faceva lanciare grida ossifraghe ai bambini in visita al Museo quando, svuotata la vescica e lavate le mani, si trovavano faccia a faccia con questa strana creatura. Piazzato nel bel mezzo dell’edificio, il secondo piano sembrava una specie di Arca di Noè piena di animali morti presa a sandwich tra due strati di studenti molto vivi.

Questo piccolo mondo si incrociava di continuo sulle scale e davanti alla macchina del caffè situata al pianterreno, giusto accanto all’ascensore eternamente in panne. Immagino che un impiegato amministrativo dell’università avrà proposto di infilare i geologi all’ultimo piano per puro pragmatismo: “Quelli che passano il tempo a inerpicarsi sulle Alpi come camosci per scovare filoni d’ofiolite hanno cosce di cemento e tre piani senza ascensore se li fanno senza problemi!” doveva aver dichiarato nel 1923 un quadro stufo di studiare le differenti possibilità d’occupazione dell’edificio, per tagliare corto alle tergiversazioni di una riunione comunale interminabile. O forse all’epoca l’ascensore non c’era nemmeno.

Gli studenti di geologia sudavano parecchio. Prima di tutto, dovevano sciropparsi quelle scale dell’ostia coi loro duecentosedici scalini diverse volte al giorno. Poi, la loro aula era una fornace. Orientata perfettamente a sud, con finestre ampie come triceratopi, equipaggiata di banchi e sedie in legno chiaro, ricoperti di scritte più o meno salaci intagliate col coltellino svizzero, l’aula di geologia aveva tutte le caratteristiche della sauna, se non fosse che non si poteva imparare decentemente la genesi dei minerali biotti con un asciugamano sotto le chiappe, né andare a rotolarsi nella neve tra un disegno di fossile del Cretaceo superiore e l’altro. A completare il quadro, la panoplia-tipo dello studente di geologia – camicia di flanella a quadretti e pantaloni di cotone pesante, entrambi provvisti del massimo numero possibile di tasche dove infilare un bel po’ di materiale (martello, lente, temperino, mappe, bussola, taccuino), scarpe da camminata con le suole profilate per non precipitare dai sentieri scoscesi, e spesse calze in lana fatte a mano per evitare le vesciche. Questa tenuta – buona per tutti i sessi e tutte le stagioni, sebbene non propriamente glamour – era poco indicata per le temperature oltre i venti gradi centigradi, e quindi per buona parte dell’anno in quell’aula iperassolata. Insomma, il sistema di sudorazione degli apprendisti geologi era messo a dura prova, il che può forse spiegare la loro predilezione per le birrette che andavano a procurarsi al distributore tre piani più sotto, per poi risalire gli scalini a quattro a quattro, incrementando di nuovo la produzione delle ghiandole sudoripare imboscate tra camicie di flanella e pantaloni in cotone pesante che pompavano, pompavano il liquido termoregolatore degli studenti. Altrimenti detto, una stalla.

È in quest’atmosfera piuttosto soffocante che ho esperito una specie di sindrome di Stendhal in versione geologica. La cosa si è verificata un giovedì pomeriggio tra le 14 e le 15 durante un corso intitolato Verso un modello orogenico alpino / Studenti primo anno. Il professore sembrava una guida di montagna dei bollettini del Club Alpino anni ’50. Bellezza sportiva x autenticità locale. Una specie di Paul Newman con l’accento vodese. Vestiva esclusivamente knickerbocker in velluto a coste ed era padre di quattro bimbi turbolenti che ogni tanto il mercoledì pomeriggio depositava al segretariato di geologia, provocando così il chiocciare delle segretarie non ancora primipare e le esclamazioni un po’ ridicole degli assistenti che cercavano di conquistarseli a suon di Petite bête qui monte qui monte qui monte con un’ammonite ben cornuta, nel malcelato intento di ingraziarsi il padre che era anche il direttore del Dipartimento.

La finta guida del Club Alpino guidava una vecchia Volvo Break rosso bordeaux. Appassionato di rocce magmatiche, con l’Araldite aveva incollato dei cristalli sul cruscotto giusto sopra il vano portaoggetti. Ciò faceva sorridere i nuovi studenti fino al momento in cui, in occasione di un’escursione, prendevano posto sul sedile passeggeri per la prima volta. La prospettiva di aprirsi la faccia sulle creste affilate di un quarzo Gwindel nell’eventualità di una frenata brusca infondeva allora un’angoscia che non li abbandonava fino alla fine del tragitto. Le probabilità che dalla roulette russa della Volvo partisse un colpo aumentavano considerando che il Paul Newman vodese guidava come un impedito. Ma aveva altre qualità. Come quella di saper raccontare la storia della formazione delle Alpi in maniera inaudita.

Quel famoso giovedì pomeriggio Paul Newman è arrivato tardi. Quando è entrato in classe, sotto il braccio teneva una strana massa bruna che si è rivelata essere un fagotto di vecchie coperte militari dell’esercito svizzero. Quelle con gli orli trapuntati e due bande rosse con la croce bianca a ogni estremità. Oggi costano una piccola fortuna e si trovano nei negozi design più chic, gettate con negligenza calcolatissima sui divani in cuoio firmati. Ma all’epoca nessuno le voleva perché erano pesanti e grattavano. Il prof ha dispiegato le coperte sulla grande cattedra in legno davanti alla lavagna posandole meticolosamente una sull’altra. Si sarebbe detta una teglia di lasagne gigante pronta e essere infornata. Poi ha aperto lo zaino e ne ha tirato fuori una grande cesoia da giardino che ha sollevato lentamente sopra la testa.

Allora abbiamo visto il bel Paul Newman trasformarsi in un Charlton Heston esaltato nel ruolo di Mosé che brandisce il bastone davanti al Mar Rosso. Gli occhi blu si sono accesi come fari nella notte mentre le sue grandi mani si scagliavano con le forbici sulle coperte. Capimmo che queste non sarebbero sopravvissute. Si è messo a sgualcirle, piegarle, schiacciarle, ritagliarle, raccoglierle, strapazzarle, intagliarle, torcerle, sollevarle, stirarle, sfilarle, comprimerle, rivoltarle, e questo in ogni punto e in tutti i sensi e in tutti i modi e senza arrestarsi mai, generando un immenso tornado fatto di braccia e mani e capelli e camicia a quadretti da cui uscivano raffiche di onomatopee frammiste a brandelli di discorsi geologici:

SCRATCH! Risalita dell’astenosfera e nascita dell’oceano alpino! BAM! Apparizione della crosta oceanica e deposito dei sedimenti post-rift! PLUFF! Subduzione della crosta oceanica dalla parte della placca africana! CRAC! Collisione con pieghe, faglie e falde di carreggiamento! VLUFF! Fronte pennidico che giustappone le unità interne metamorfiche sui massicci cristallini esterni! PLAF! Formazione del solco molassico alpino con cedimento della crosta!

E così via per dieci minuti buoni durante i quali abbiamo visto trentaquattro milioni di anni sfilare in fast-forward e sette coperte militari trasformarsi in catene montuose in una coreografia virtuosistica per mani e cesoia. Era vertiginoso e stupefacente e splendido e si è stampato nei nostri cervelli per l’eternità. Per lo meno nel mio.

Poi Paul-Newman-diventato-Charlton-Heston si è fermato di colpo. Ha fatto lentamente il giro della catena alpina 100% lana vergine che aveva appena eretto come una specie di torta nuziale, si è arrampicato nell’emiciclo in mezzo agli studenti che ancora non osavano fiatare e da lassù ha osservato in silenzio la sua opera tenendosi il mento. Era tutto scapigliato e non assomigliava più neanche un po’ a Paul Newman o a Charlton Heston. Era Il viandante sul mare di nebbia di Caspar David Friedrich.

E noi eravamo ancora a bocca aperta per il finale di questo numero spazio-temporale che era al contempo scientifico, magico, burlesco e artistico. Poi è suonata la campanella, il prof è tornato Paul Newman e ha messo via le cesoie nello zaino prima di ricordarci di non dimenticare i compassi per disegnare le pendenze nel prossimo corso di stratigrafia. Di colpo ci siamo ripresi. È entrato l’assistente di mineralogia, ha alzato gli occhi al cielo e con la mano ha fatto un piccolo gesto per farsi aria, poi è venuto a pulire la lavagna e sbarazzarsi delle coperte come se niente fosse. Il tasso d’umidità doveva raggiungere l’80%.

Published December 13, 2017
© 2017 Fabienne Radi
© 2017 Specimen


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