Silens Moon

Written in French by Pierre Cendors

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En chacun de nous, une nuit souveraine flamboie, ne serait-ce qu’une seule fois dans nos yeux, avant de sombrer à nouveau sous la lumière ordinaire des jours. Il nous est alors accordé d’entrer dans le penetralia silencieux de notre vie secrète et de voir, et de goûter là, ce que la vue ni l’esprit ne peuvent appréhender au-dehors.

Cette heure nocturne possède la force d’engel, calme et finale, d’une sentence mortelle. Que ceux qui ont aimé trop tard ou trop tôt, se souviennent. L’amour n’a rien d’aimable quand, sans prévenir, il pénètre en nous sans feintise, comme un vent noir dégondant la porte d’une haute citadelle durement frappée par l’hiver. Son sacre, fatal à certains, se paie pour d’autres d’un prix aussi élevé que l’est leur chute.

Une heure viendra peut-être où je regretterai amèrement qu’une telle fatalité me fut échue, mais j’en doute. Je sais ce que vaut ce doute et combien ces considérations, passé l’âge des illusions, sont risibles. J’ai déjà vu tomber Haller, un homme meilleur que moi, une intelligence supérieure, suprêmement douée, voler en éclats et devenir insane devant les reflets de son âme que lui renvoyaient trois femmes. Si j’ai survécu en côtoyant le même précipice, je le dois à une nature moins raffinée que la sienne et à une imagination plus commune, mieux adaptée à ce réalisme de fait-divers du quotidien où s’exorcisent, jusqu’au dernier, ces envoûtements qui nous sont un supplice.

L’amour n’est pas une terre d’asile, le séjour heureux des amoureux, écrivait mon oncle Werner, avant de tomber à Regret, près de Verdun. C’est une île violentée des éléments, un roc cabré comme un lièvre sous la serre d’un haut vent de proie, un climat où la lumière des fontes et la nuit du gel se livrent à mains nues un combat sans issue. Qui peut vivre ici sans périr à lui-même?

Il est pourtant une chose plus terrible que de vivre un grand amour, c’est de le veiller nocturnement, au bout d’un mois, en se solitarisant, jour après jour, dans le rien. Le même orage vous étreint, puis vous naufrage sur le rivage sans lendemain de votre vie. Il m’aura fallu attendre une longue décennie afin de conquérir la lucidité d’écrire ces quelques lignes. Je n’ai d’autre avenir, aujourd’hui, que celui d’un ressac insomniaque, d’une pulsation initiale sans écho, comme la vague lasse qui bat le roc au flanc duquel s’agrège mollement la flottille d’anciennes épaves.

Maintenant que j’atteins l’âge que portait Haller lors de notre première rencontre, aujourd’hui que je traverse à mon tour les mêmes espaces perdus de l’âme, certains traits, autrefois obscurs, de sa personnalité acquièrent la force d’une évidence. Je le comprends d’autant mieux que je lui ressemble un peu. La sympathie vive qu’il m’a toujours marquée, et que j’attribuais à sa profonde solitude, en porte témoignage.

Venant d’un homme qui, plus que tout autre, était un étranger parmi ses semblables, cette alliance fraternelle m’est un réconfort que je sais ne plus jamais devoir trouver ailleurs. Il fut un temps, cependant, où cette affinité naissante m’était un fardeau, une gêne constante, un tourment de tous les instants.

Je me souviens encore avec quelle curiosité hostile je l’examinai lorsqu’il se présenta, un jour de novembre, à la porte de ma tante Maya pour louer une chambre meublée, et avec quelle impudence malveillante, quelle distance critique, j’assistai à leur dialogue. Celui-ci, à mon vif déplaisir, prit spontanément un tour familier. Quelque chose de dissonant dans l’expression craintive du regard et des traits aigus, austères, de Haller m’avait d’emblée prévenu en sa défaveur, au contraire de ma tante.

Cet homme, toujours aussi courtois dans ses manières que soigné dans sa mise, possédait un je ne sais quoi d’ingénu et de pitoyablement touchant, une sorte de mélancolie orpheline, d’inaptitude sociale propre à l’intellectuel, qui lui assurait la sollicitude maternisante des veuves et des vieilles gens, bref, de tout ce petit peuple facilement attendri dont la jeunesse se gausse.

J’eus beau croire définitives ces premières impressions, à mon propre étonnement, elles se transformèrent avec le temps, consolidant même une relation qui, quoi qu’elle ne franchit jamais le seuil de l’amitié, installa entre moi et l’homme à qui j’avais, avec ma tante, donné le nom qu’il s’était attribué lui-même: Loup des steppes, une entente que rien ne devait plus entacher. Je menais pourtant, à cette époque, une existence aux antipodes de celle de Haller.

Mes fonctions à l’Institution d’assurance Frankenberg, pour les accidents des travailleurs, mes horaires de bureau, la régularité de contraintes mentales monotones, toute cette sujétion volontaire d’un individu face à une hiérarchie administrative souveraine, n’éveillaient en lui qu’un sentiment de défiance que je jugeais quelque peu excessif. Un échange que nous eûmes à ce propos, me revient en mémoire.

Un soir, en rentrant de mon travail à l’heure habituelle, je croisai un autre locataire dans l’escalier. Son regard introspectif s’attarda sur mon visage avant même que je ne reconnusse celui du Loup des steppes.

– Bonsoir monsieur Haller! Vous avez passé une bonne journée?

– Elle commence seulement pour moi, monsieur Heimlicht, fit-il d’un air lugubre qui me rendit d’humeur caustique.

– Allons bon! La nuit ne porte-t-elle pas la clef qui ouvre les demeures de la béatitude, silencieux messager des infinis mystères? plaisantai-je en lui répétant cette citation de Novalis qu’il m’avait lue, une fois, dans son salon sous les combles.

Il hocha la tête d’un air résigné et s’apprêtai à me dépasser lorsque, reculant d’une marche, je levai une main:

– Dans le cas où vous vous rendriez au Casque d’Acier, chuchotai-je afin d’atténuer ce que ma remarque avait d’indiscrète, buvez, je vous prie, un verre à ma santé!

Je désignai en rougissant ma serviette en cuir tout en lui annonçant que, ce matin même, mon supérieur m’avait confié mon premier dossier important – un employé, père de deux enfants, s’était volontairement mutilé dans l’espoir de se voir attribuer une pension d’invalidité – lequel serait remis à un tribunal tôt le lendemain. La gravité de mon ton dissimulait mal la fierté d’un jeune fonctionnaire promu à de nouvelles responsabilités. Mon excitation et ma fatigue prirent le dessus; je parlai trop.

– Pauvre homme! me désolai-je tout en marquant mon indignation. Il est bel et bon de vouloir secourir son prochain! Mais ce genre de pratique, malheureusement assez courante dans les couches non-éduquées de la population, est inacceptable et à proscrire. Au fond, quelle barbarie et quel modèle de conduite pour ces enfants!

Le Loup des steppes m’écoutait, immobile, le regard abaissé sur la cravate grise perle clair que je m’étais offerte, ce soir-là, après avoir quitté mon bureau. La faveur que je voulais lui demander me revint alors à l’esprit. Je lui souris, embarrassé. Pouvais-je le prier de ne pas rentrer…trop tard? Nos chambres étaient contiguës. Une bonne nuit de sommeil m’était prescrite. Haller pressa doucement mon épaule de sa main, puis se retira sans un mot.

Le lendemain matin, je trouvai un mince in-folio devant ma porte: Das Buch von der Armut und vom Tod du poète Rilke. Je l’emportai avec moi et l’ouvrit, intrigué, assis dans le tramway. Deux extraits, surlignés au crayon, me tombèrent aussitôt sous les yeux:

Des hommes insatisfaits peinent à vivre
et meurent sans savoir pourquoi ils ont souffert […]
Ils vont au hasard, avilis par l’effort
de servir sans ardeur des choses dénuées de sens…

Ce fut le dernier échange que nous eûmes ensemble. De retour à ma chambre, le soir, ma tante m’apprit que son locataire avait quitté la ville, emportant avec lui ses valises et sa caisse de livres. Il était parti, son dixième loyer réglé, sans nous dire adieu, sans un mot d’explication: solitaire, comme il était venu et avait toujours vécu.

Son départ ne me causa nulle surprise. Je savais l’homme irréductible à tout ce qui s’apparentait, de près ou de loin, à des attaches sociales. Une nécessité obscure lui imposait l’existence d’un capitaine sans vaisseau. Ses escales parmi ses semblables étaient courtes et rares. Il lui fallait tôt ou tard regagner le large.

Sa seule manière de reprendre pied en lui le poussait ainsi à s’éloigner toujours plus loin d’autrui, toujours plus en dehors de sa propre vie, vers un anéantissement social aussi limpide et rayonnant de vie immédiate, que le regard immuable d’un renard polaire ou d’un loup arctique, fixé sur l’immensité blanche.

Published November 15, 2017
© Pierre Cendors 2017

Silens Moon

Written in French by Pierre Cendors


Translated into English by Sara Heft

In each of us a sovereign night blazes, perhaps just once in our eyes, before dimming again in the ordinary light of day. This moment grants us entry into the silent penetralia of our secret life, where we see and taste what sight and psyche cannot comprehend without.

This nocturnal hour possesses the frosty force, calm and final, of a mortal sentence. Let those who loved too late or too early remember. Love is all but kind when, without warning, it penetrates us unconcealed, like a black wind that unhinges the door of a high fortress hit harshly by the winter. Its consecration is fatal to some, while others pay a price as steep as their fall.

Perhaps a time will come when I will bitterly regret having had such a destiny set upon me, but I doubt it. I know what this doubt is worth and how ridiculous these considerations are, beyond the age of illusions. I have already witnessed the fall of Haller, a better man than I, a superior intelligence, supremely gifted, shattered to pieces and driven insane before the flashes of his soul reflected back to him in three women. If I have survived toeing the same precipice, I owe it to a character less refined than his own and a more common imagination, better adapted to the trivial realism of daily life, which exorcizes the enchantments that agonize us, to the very last. 

Love is no refuge, happily sheltering the amorous, my uncle Werner wrote before falling in Regret, near Verdun. It is an island assaulted by the elements, a rock reared up like a jackrabbit caught in the talons of a predatory wind, a climate where the thawing light and the frozen night engage in a barehanded, impossible combat. Who can live here without perishing to themselves?

But there is one thing more devastating than experiencing a great love: to watch over it nocturnally after a month, secluded in nothingness day in and day out. A single storm embraces you, and then smashes you onto the tomorrowless shore of your life. It took me a long decade to gain the lucidity to write these few lines. Today, my only future is that of a sleepless surf, of an initial and echoless beat, like a weary wave battering a rock flanked by a slowly growing fleet of wrecked ship fragments.

Now that I have reached the age that Haller had when we first met, and today it is my turn to cross the same lost spaces of the soul, certain traits of his personality, impenetrable in the past, have become as clear as day. I understand him all the better because I resemble him somewhat. The spirited warmth that he always showed me, and which I attributed to his deep solitude, attests to this.

Coming from a man who, more than anyone else, was a stranger among his own, this brotherly alliance gives me a solace that I know I’ll never need to gain elsewhere. But there was a time when I found this burgeoning closeness to be a burden, a constant bother, an unyielding torment.

I can still recall the hostile curiosity I displayed to him on the November day when he knocked on my aunt Maya’s door looking to rent a furnished room, and the maliciously bold, critically indifferent air I donned in observing their conversation. To my great displeasure, this interaction spontaneously grew familiar. Something jarring in the timidity of Haller’s gaze and his sharp, serious features biased me against him from the start, unlike my aunt.

This man, whose manners were always as courteous as his appearance was immaculate, had something of a naïve and pitifully moving air, a sort of orphan melancholy, a social awkwardness particular to intellectuals, which secured him the motherly attentions of widows and the elderly, the softhearted folks of the world subject to youthful mockery.

Despite my belief that these first impressions would last, to my own surprise, they changed over time, even strengthening a relationship that never crossed over into the threshold of friendship but nevertheless developed between me and the man who my aunt and I called by the name he had coined for himself: Wolf of the Steppes. Nothing could taint our connection, although at the time, the existence I led was at the polar opposite of Haller’s. 

My duties at the Frankenberg Insurance Institution, dealing with worker accidents, my office hours, the regularity of these monotonous mental constraints – all of this voluntary subjugation of a person to a sovereign administrative hierarchy – aroused a feeling of wariness in him, which I viewed as something of an overreaction. One interaction that we had on the subject springs to mind.

One evening, coming home from work at my usual time, I crossed another tenant on the stairwell. His introspective gaze lingered on my face before I even realized that it was the Wolf of the Steppes.

“Good evening Mr. Haller! How was your day?”

“It’s just getting started for me, Mr. Heimlicht,” he said with a morose air that put me in a biting mood.

“Come on now! Doesn’t the night carry the key to the dwellings of the blessed, a silent messenger of infinite mysteries?” I said teasingly, repeating the Novalis quotation that he had read to me once in his attic sitting room.

He nodded wearily and was about to continue past me when I backed up a step, raising a hand. “If you happen to be heading to the Steel Helmet, please have a drink for me!” I said softly, to offset the indiscretion of my remark.

I reddened with a nod to my briefcase, telling him that my boss had entrusted me with my first important case that very morning – an employee, a father of two, had purposefully mutilated himself in hopes of receiving a disability pension – which was to be taken up in court the next day. My serious tone could hardly mask the pride of a young civil servant promoted to new responsibilities. My enthusiasm and fatigue took over, and I couldn’t stop talking.

“Poor man!” I lamented, not without indignation. “It’s well and good to want to help others out! But this sort of practice, unfortunately rather common in the uneducated classes of society, is unacceptable, and mustn’t be tolerated. It is fundamentally barbaric and no model of behavior for these children!”

The Wolf of the Steppes listened to me without moving, gaze lowered onto the light pearl gray tie I had bought myself that evening on my way home from work. The favor that I wanted to ask him came back to me. I gave him an embarrassed smile. Might I ask him not to come home…too late? Our rooms were adjacent. A good night’s sleep was in order. Haller squeezed my shoulder lightly with his hand and left without a word.

The next morning, I found a thin folio by my door: Das Buch von der Armut und vom Tod by the poet Rilke. I took it with me and opened it on my tram ride, intrigued. My eyes fell straightway on two passages underlined in pencil:

There the white-bloomed lead their pale existence
and die aghast at their burdens’ universe […]
They go about, degraded by the effort
of serving useless ends when no courage
is left them…

That was the last interaction that we had. Back in my room in the evening, my aunt told me that her tenant had left town, taking his suitcases and his box of books. He had left, tenth month of rent paid, without saying goodbye to us, without the least explanation – solitary, as he had come and as he had always lived.

His departure was of no surprise to me. I knew that the man was resolutely at odds with anything resembling social ties, directly or indirectly. Some unfathomable need drove him to lead the life of a captain without a ship. He stayed among other people only rarely, and briefly. Sooner or later, he had to return to the open sea.

His only means of regaining his footing thus led him to drift ever further from others, ever further from his own life, toward a social annihilation as clear and beaming with immediate life as the unswerving gaze of a snow fox or an Arctic wolf, staring at the endless white.

Published November 15, 2017
© Pierre Cendors 2017
© Specimen 2017

Silens Moon

Written in French by Pierre Cendors


Translated into German by Nadine Püschel

In jedem von uns lodert eine selbstbestimmte Nacht, sei es auch nur ein einziges Mal, in unserem Blick, bevor sie sich unter dem gewöhnlichen Licht der Tage abermals verdüstert. In jenem Moment ist es uns vergönnt, in das stille Heiligtum unseres geheimen Lebens einzutreten und dort zu erblicken und zu kosten, was weder Auge noch Geist außerhalb von uns zu erfassen imstande sind.

Diese nächtliche Stunde verfügt über die in ihrer Ruhe und Endgültigkeit alles einfrierende Macht eines Todesurteils. Jene, die zu früh oder zu spät geliebt haben, mögen sich erinnern. Die Liebe hat nichts Liebenswürdiges an sich, wenn sie ohne jede Vorwarnung, ohne jede Verstellung in uns eindringt, so wie ein schwarzer Windstoß das Tor einer vom Winter heimgesuchten Bergfeste aus den Angeln hebt. Ihre Weihe wird so manchen zum Verhängnis und verlangt von anderen einen Preis, der ebenso hoch ist wie ihr Fall tief.

Mag sein, dass eine Zeit kommen wird, da ich bitter bereuen werde, von einem solchen Schicksal ereilt worden zu sein; allein, ich bezweifle es. Ich weiß, was von diesem Zweifel zu halten ist und wie lachhaft derlei Überlegungen sind, sobald man dem Alter der Illusionen entwachsen ist. Habe ich doch bereits Haller stürzen sehen, einen besseren Menschen als mich, und selbst erlebt, wie ein mir weit überlegener Verstand von außerordentlicher Begabung über dem Spiegel, den drei Frauen seiner Seele vorhielten, in Stücke gesprungen und wahnsinnig geworden ist. Dass ich, der in denselben Abgrund geblickt hat, überlebt habe, verdanke ich einer weniger vergeistigten Natur als der seinen und einer gewöhnlicheren Vorstellungskraft, welche besser angepasst ist an den Realismus der Alltagsbanalitäten, wo bis ins Letzte jene Betörungen, die uns das Leben zur Hölle machen, sich selbst austreiben.

Die Liebe ist keine Zufluchtsstätte, wo Liebende in glücklichen Gefilden weilen, schrieb mein Onkel Werner, bevor er in Regret nahe Verdun fiel. Sie ist eine von den Elementen verheerte Insel, ein wie ein Hase in den Fängen eines brausenden Raubwindes aufgerichteter Felsen, ein Klima, in dem sich das schmelzende Licht und die frostige Nacht mit bloßen Händen einen ewigen Kampf liefern. Wer könnte hier leben, ohne an sich selbst zugrunde zu gehen?

Schrecklicher noch, als von einer großen Liebe verzehrt zu werden, ist jedoch, sie über einen Monat hinweg in der Nacht zu durchleben, während man sich Tag um Tag allein ins Nichts zurückzieht. Das immergleiche Gewitter fegt über Sie hinweg, bis Sie am Land ohne Morgen Ihres Lebens angespült werden. Ein langes Jahrzehnt ist verstrichen, bis ich die zur Niederschrift dieser wenigen Zeilen nötige Klarheit erlangt habe. Heute bleibt mir nur die Zukunft einer schlaflosen Brandung, einer begonnenen Schwingung ohne Widerhall, wie die Welle, die träge den Fels umspült, an dessen Fuß sich gemächlich die Flotte alter Schiffswracks häuft.

Nun, da ich das Alter erreiche, in dem Haller bei unserer ersten Begegnung war, und dieselben verlorenen Weiten der Seele durchmesse, werden so manche seiner Wesenszüge, die mir damals unergründlich schienen, zwingend klar. Dieses tiefere Verständnis mag daher rühren, dass ich ihm ein wenig ähnle, was auch die herzliche Zuneigung bezeugt, die er mir stets entgegenbrachte und die ich damals seiner grenzenlosen Einsamkeit zuschrieb.

Jene Verbrüderung mit einem Manne, der wie kein anderer als Fremder unter seinesgleichen lebte, bietet mir einen Trost, den ich nirgends sonst mehr werde suchen müssen. Gleichwohl gab es eine Zeit, in der unsere aufkeimende Seelenverwandtschaft mir eine Bürde war, eine beständige Last, eine allgegenwärtige Qual.

Ich erinnere mich noch, mit welch feindseliger Neugier ich ihn betrachtete, als er eines Novembertages bei meiner Tante Maya vorstellig wurde, um ein möbliertes Zimmer zu mieten, und mit welch boshafter Frechheit und kritischer Distanz ich ihr Gespräch verfolgte. Zu meinem Missfallen plauderten die beiden auf einmal ganz vertraulich miteinander. Irgendetwas an Hallers furchtsamem Blick und seinen scharfen, strengen Zügen irritierte mich und nahm mich, im Gegensatz zu meiner Tante, zunächst gegen ihn ein.

Dieser stets so formvollendet höfliche wie sorgfältig gekleidete Mann hatte nämlich etwas Unbedarftes und erbärmlich Rührendes an sich, die Melancholie eines Waisen, die gesellschaftliche Ungewandtheit der Geistesmenschen, was ihm die mütterliche Fürsorge der Witwen und der Alten, kurz all jener weichherzigen Leutchen, über die sich die Jugend so gern lustig macht, einzutragen pflegte.

Obschon ich jene ersten Eindrücke für endgültig gehalten hatte, kam ich zu meinem eigenen Erstaunen mit der Zeit zu einem anderen Urteil, das zwischen mir und dem Mann – dem ich und meine Tante den Namen gegeben hatten, mit dem er sich selbst bezeichnete: Steppenwolf – ein Band knüpfte, welches zwar nie die Schwelle zur Freundschaft überschritt, aber dennoch ein Einvernehmen begründete, das fortan durch nichts mehr beeinträchtigt werden sollte. Dabei führte ich damals ein Leben, wie es gegensätzlicher zu seinem nicht hätte sein können.

Meine Tätigkeit im Versicherungsinstitut Frankenberg, wo ich mit Betriebsunfällen betraut war, meine festen Arbeitszeiten, die Regelmäßigkeit und Monotonie solcher mentalen Zwänge, ja überhaupt diese ganze freiwillige Unterwerfung eines Individuums unter eine souveräne Verwaltungshierarchie lösten in ihm ein Misstrauen aus, das mir etwas überzogen schien. Ich entsinne mich eines Gesprächs, das wir einmal darüber führten.

Eines Abends, als ich zur üblichen Zeit aus dem Bureau heimkehrte, begegnete ich im Treppenhaus einem anderen Mieter. Sein grübelnder Blick heftete sich auf mein Gesicht, noch bevor ich den Steppenwolf erkannte.

„Guten Abend, Herr Haller! Hatten Sie einen schönen Tag?“

„Mein Tag fängt gerade erst an, Herr Heimlicht“, sprach er mit einer düsteren Miene, die mich reizte.

„Nun denn! Trägt nicht die Nacht den Schlüssel zu den Wohnungen der Seligen, unendlicher Geheimnisse schweigender Bote?“, scherzte ich, indem ich ihm einen Vers von Novalis zitierte, den er mir einmal in seinem Wohnzimmer im Dachstock vorgelesen hatte.

Er schüttelte resigniert den Kopf und wollte eben an mir vorbeigehen, als ich einen Schritt zurücktrat und die Hand hob.

„Falls Sie in den Stahlhelm gehen“, flüsterte ich, um die Indiskretion meiner Bemerkung etwas abzumildern, „so trinken Sie doch bitte ein Glas auf mein Wohl!“

Errötend zeigte ich auf meine Ledermappe und fügte zur Erklärung hinzu, dass mir mein Vorgesetzter just an jenem Morgen den ersten wichtigen Fall anvertraut habe – ein Angestellter, Vater zweier Kinder, hatte sich in der Hoffnung auf eine Invalidenrente vorsätzlich verstümmelt und sollte am nächsten Tag vor Gericht erscheinen. Mein ernster Ton konnte den Stolz des jungen Beamten, zu neuen, verantwortungsvollen Aufgaben befördert worden zu sein, nicht verhehlen. Meine Aufregung und die Müdigkeit taten das ihre; ich wurde redselig.

„Der arme Kerl!“, sagte ich bedauernd, nur um gleich darauf meiner Empörung Luft zu machen. „Nächstenliebe ist ja gut und schön! Aber diese inakzeptablen Praktiken, die leider in den ungebildeten Bevölkerungsschichten recht weit verbreitet sind, müssen unterbunden werden. Also wirklich, wie barbarisch! Und welch schlechtes Vorbild für die Kinder!“

Der Steppenwolf hielt den Blick auf den perlgrauen Schlips gesenkt, den ich mir an jenem Abend gleich nach Bureauschluss gekauft hatte, und hörte reglos zu. Da fiel mir wieder ein, dass ich ihn um einen Gefallen hatte bitten wollen. Ich lächelte verlegen. Ob ich ihn wohl bitten könnte, nicht … allzu spät heimzukehren? Unsere Schlafzimmer lägen ja nebeneinander. Ich hätte am nächsten Tag ausgeruht zu sein. Haller drückte mir leicht die Schulter, dann empfahl er sich ohne ein Wort.

Am folgenden Morgen fand ich einen schmalen Folianten vor meiner Tür: Das Buch von der Armut und vom Tod des Dichters Rilke. Ich nahm den Band mit und konnte nicht umhin, ihn in der Straßenbahn aufzuschlagen. Sogleich fielen mir zwei mit Bleistift unterstrichene Stellen ins Auge:

Da leben Menschen, weißerblühte, blasse,
Und sterben staunend an der schweren Welt […]
Sie gehn umher, entwürdigt durch die Müh,
sinnlosen Dingen ohne Mut zu dienen …

Dies sollten die letzten Worte sein, die wir wechselten. Als ich am Abend in mein Zimmer zurückkehrte, erfuhr ich von meiner Tante, dass ihr Mieter mitsamt seinen Koffern und seiner Bücherkiste die Stadt verlassen habe. Nachdem er die zehnte Monatsmiete beglichen hatte, war er ohne ein Wort des Abschieds, ohne jede Erklärung fortgegangen: als Einzelgänger, wie er gekommen war und stets gelebt hatte.

Sein Wegzug überraschte mich nicht im Geringsten. Ich wusste, dass der Mann sich jedweden sozialen Banden verweigerte. Eine rätselhafte innere Notwendigkeit erlegte ihm die Existenz eines Kapitäns ohne Schiff auf. Wenn er einmal unter seinesgleichen an Land ging, was äußerst selten geschah, dann stets nur für eine kleine Weile. Über kurz oder lang musste er wieder in See stechen.

So trieb gerade seine Art, in sich selbst Halt zu finden, ihn dazu, immer weiter von den anderen sich zu entfernen und sein eigenes Leben immer weiter zurückzulassen bis hin zur völligen sozialen Auslöschung, so klar und vor unmittelbarem Leben leuchtend wie der ungerührt auf die weiße Unermesslichkeit gerichtete Blick eines Eisfuchses oder Polarwolfs.

Published November 15, 2017
© Pierre Cendors 2017
© Specimen 2017


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In Hermann Hesse’s 1927 groundbreaking masterpiece “Steppenwolf“, the reader first makes the acquaintance of the Editor of the manuscript, a character we know very little of. Nothing is revealed of him, not even his name, age or profession, although one cannot but feel the powerful and life-changing impact that his encounter with Harry Haller, the “Steppenwolf“, has made upon him. This is the story of his life, ten years after the enigmatic disappearance of Haller, as told by himself.


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