D38
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La solidité est un verbe lent

La solidité est un verbe lent

Written in French by Ella Stürzenhofecker

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Sur le Mont-Royal
je marche le long de bacs à fleurs
où reposent des graines en dormance
où la terre attend d’être retournée.

Les nuages sont amassés comme
la mousse à la surface du bain,
et pendant que je réchauffe mes doigts rougis
sous le séchoir des toilettes,
je cherche comment t’écrire
un manuel pour vivre
avec la défaiteLeonard Cohen, «a manual for living with defeat», Going Home.

De grandes personnes un peu étranges vont
sur les chemins de gravier.
Une mère et sa fille sèment des vocalises,
leurs chevilles découvertes,
exposées aux glissements de terrain.

Les bouquets éclosent ici avec la même indécence
que dans ta chambre d’hôpital,
une déflagration jaune sur fond de gris fuck allOrane Thibaud, Toute raison de m’aimer est forcément bonne.
Au bord de ton lit tu cultives
une espèce de fleurs terminales et solitaires,
récoltes les uns après les autres,
les lendemains qui gouttent
sur le pas de ta porte.

Du haut de la montagne j’ai vu
les paroles de plomb
s’oxyder au contact de l’air,
se crasher sur le toit d’un
chalet à peine ébranlé.
Le vieux chêne ne s’embarrasse de rien
et continue d’ordonner la lumière.

Un homme dégrafe le grillage.
Du troisième barreau d’une échelle,
il s’applique à repeindre les poutres
au pinceau plat,
du geste de celui qui a appris
que la solidité
est un verbe lent.

Un pauvre type en costumeLeonard Cohen, «a lazy bastard living in a suit», Going Home
me lit l’avenir en suivant
le tracé des buildings.
Sa voix rauque bénit
les mains qui se tendent
pour prendre un selfie.
Le tissu râpé de sa veste s’ouvre sur
un bois dur et résistant.

Dans les craquements de l’écorce
j’entends la fin
de nos étouffements partagés.

Les feuilles strient l’espace de chutes diagonales,
arrachent l’automne par poignées.
Sous une canopée bruissante,
les tiges rebroussent chemin.

Une fleur rouge
agrafée au col de mon manteau,
en souvenir de ton combat ordinaire.
Ailleurs tu calcules
le juste grammage de méthadone
et réapprends à dormir
fenêtres et paumes ouvertes.

Les mutations s’accélèrent
dans les couches de cambium,
la chenille se tient dans son état mobile.
Une saison entière au seuil de la mort.
Il faut garder espoir dans les transformations
que promettent nos cheveux bleachés.

Je nous ai construit des cabanes au bord de falaises,
sous des capots de voitures, dans le creux de nuques
qui sentaient le linge frais et le vétiver.
Mille endroits qui attendent
que l’on vienne rapiécer nos peaux d’hiver,
et soigner les mots flingués.

Published April 29, 2025
© Ella Stürzenhofecker

La solidità è un verbo lento

Written in French by Ella Stürzenhofecker


Translated into Italian by Ann Schönenberg

Sul Mont-Royal
camino lungo le fioriere
dove i semi giacciono dormienti
dove la terra attende di essere rivoltata.

Le nuvole sono raccolte come
schiuma sulla superficie del bagno,
e mentre riscaldo le mie dita arrossate
sotto l’asciugatrice del water,
sto cercando di capire come scriverti
un manuale per vivere
con la sconfittaLeonard Cohen, «a manual for living with defeat», Going Home.

Alcuni adulti un po’ strani vanno
lungo i sentieri di ghiaia.
Una madre e sua figlia seminano vocalizzi,
le caviglie scoperte,
esposte alle frane.

Qui i mazzi di fiori sbocciano con la stessa indecenza
che nella tua stanza d’ospedale,
una deflagrazione gialla su sfondo grigio fuck allOrane Thibaud, Toute raison de m’aimer est forcément bonne.
Sul bordo del letto coltivi
una specie di fiori terminali e solitari,
raccolti uno dopo l’altro,
i domani che gocciolano
sul passo della tua porta.

Dalla cima della montagna ho visto
le parole di piombo
ossidare a contatto con l’aria,
schiantarsi sul tetto di una
baita appena scossa.
La vecchia quercia non si sovraccarica di nulla
e continua a ordinare la luce.

Un uomo slaccia la rete.
Dal terzo piolo di una scala,
si applica a ridipingere le travi
con un pennello piatto,
col gesto di chi ha imparato
che la solidità
è un verbo lento.

Un povero ragazzo in costumeLeonard Cohen, «a lazy bastard living in a suit», Going Home
mi legge il futuro seguendo
il tracciato degli edifici.
La sua voce rauca benedice le
mani che si distendono
per scattare un selfie.
Il tessuto logoro della sua giacca si apre per rivelare
legno duro e resistente.
Nello scricchiolio della corteccia
sento la fine
del nostro comune soffocamento.

Le foglie striano lo spazio con cadute diagonali,
strappando l’autunno a manciate.
Sotto una chioma frusciante
gli steli tornano indietro.

Un fiore rosso
spillato al bavero del mio cappotto,
in ricordo della tua solita battaglia.
Altrove calcoli
il giusto peso di metadone
e impari a dormire
con le finestre e i palmi delle mani aperti.

Le mutazioni accelerano
negli strati del cambium,
il bruco rimane nel suo stato mobile.
Un’intera stagione sull’orlo della morte.
Dobbiamo rimanere fiduciosi nelle trasformazioni
promesse dai nostri capelli decolorati.

Ci ho costruito cabine sul bordo dei dirupi,
sotto i cofani delle automobili, nell’incavo dei colli
che profumavano di lino fresco e vetiver.
Mille posti che aspettano
che si venga a rattoppare le nostre pelli invernali,
e prendere cura delle parole spezzate.

Published April 29, 2025
© Ella Stürzenhofecker


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